Accommodements raisonnables. Le feuilleton des accommodements raisonnables va peut-être connaître son épilogue. Voilà des mois que les Québecois débattent de la question de savoir dans quelle mesure un individu ou une minorité (notamment religieuse) peut faire valoir son droit à la différence, sans que cela ne nuise à la majorité. Plusieurs épisodes ont émaillé ce long débat qui a pris des dimensions nationales (voir nos différents billets sur le sujet : accommodements raisonnables). Il a fallu la mise en pace d’une commission dite « de consultation sur les pratiques d’accommodements reliées aux différences culturelles », la commission Bouchard-Taylor, pour que s’apaisent quelque peu les tensions. Cette commission vient de rendre son rapport, après un an de consultation et de réflexion. Extraits.
En matière de congés religieux
Que l’Etat encourage les administrateurs publics et privés à s’orienter vers la formule dite des congés payés avec contrepartie, assortie de diverses possibilités d’aménagement ;
Que la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse produise un avis établissant des repères pratiques à l’intention des gestionnaires de tous les milieux de travail : explication du cadre juridique, conception d’outils pour statuer sur les demandes de congés religieux et proposition d’un éventail de formules conformes aux jugements antérieurs des tribunaux et adaptables à chaque milieu de travail ;
Concernant les problèmes liés au régime de congés religieux en vigueur dans les commissions scolaires (à savoir des congés supplémentaires payés), que l’Etat forme un comité d’experts mandaté pour trouver une solution équitable et conforme au cadre juridique actuel du régime des congés religieux et ce, après consultation des principaux acteurs intéressés.
Que l’Etat valorise l’excellence en matière de pratiques d’harmonisation dans les milieux de travail
En incitant les grandes sociétés d’Etat à affirmer un leadership dans ce domaine ;
En honorant publiquement les employeurs publics ou privés qui se sont signalés par leurs efforts d’intégration et d’harmonisation.
L’intégration des immigrants
En matière de planification des taux d’immigration, que l’Etat s’assure de maintenir en équilibre le nombre d’entrées avec les ressources disponibles pour l’accueil, notamment l’insertion à l’emploi et la francisation.
Afin de combler une grave déficience qui se fait sentir présentement, que l’Etat hausse le financement consacré aux groupes communautaires et autres organismes de première ligne oeuvrant à l’accueil et à l’intégration des immigrants, notamment pour consolider et développer le réseau d’organismes existants en évitant le saupoudrage.
Que l’Etat intensifie ses efforts en matière de francisation et d’intégration des immigrants par :
– Une meilleure coordination des programmes de francisation des immigrants entre les ministères concernés ;
– La mise sur pied d’un groupe d’étude pour revoir toute la question de la sous-représentation des membres des minorités ethniques dans les postes de l’administration publique et concevoir une démarche plus efficace ;
– Une gestion plus concertée des programmes et des mesures d’intégration au sein de l’appareil gouvernemental, plus particulièrement entre les ministères de l’Immigration, de l’Education, de la Santé et de l’Emploi ;
– Une meilleure articulation des politiques d’immigration et d’intégration aux objectifs de développement économique et social de notre société ;
– Un effort intensif pour réduire le taux de chômage extrêmement élevé parmi les Québécois nés en Afrique et établis au Québec depuis moins de cinq ans.
La laïcité
Que le gouvernement produise un Livre blanc sur la laïcité, dont le but serait de :
– Définir ce qu’est la laïcité à partir de ses quatre principes (les deux premiers correspondant à ses finalités profondes et les deux autres se traduisant dans des structures institutionnelles essentielles) ;
– Rappeler les grands choix faits par le Québec en matière de laïcité ;
– Défendre la conception ouverte de la laïcité choisie et mise en oeuvre par le Québec ;
– Clarifier et soumettre au débat public les questions au sujet desquelles des consensus restent à construire.
Concernant le port de signes religieux par les agents de l’Etat
Qu’il soit interdit aux magistrats et procureurs de la Couronne, aux policiers, aux gardiens de prison, aux président et vice-présidents de l’Assemblée nationale.
Qu’il soit autorisé aux enseignants, aux fonctionnaires, aux professionnels de la santé et à tous les autres agents de l’Etat.
Que des mesures soient prises afin de rendre certaines pratiques encours dans nos institutions publiques conformes aux principes de la laïcité ouverte. En conséquence, au nom de la séparation entre l’Etat et les Eglises et au nom de la neutralité de l’Etat, nous recommandons que :
– Le crucifix au-dessus du siège du président de l’Assemblée nationale soit retiré et replacé dans l’Hôtel du Parlement à un endroit qui puisse mettre en valeur sa signification patrimoniale;
– Les conseils municipaux abandonnent la récitation de la prière durant leurs séances publiques.Que le gouvernement fasse une promotion vigoureuse du nouveau coursd’Ethique et de culture religieuse qui doit entrer en vigueur en septembre 2008.
Que l’Etat produise et diffuse chaque année auprès des gestionnaires d’institutions et d’organismes publics ou privés un calendrier multiconfessionnel indiquant les dates des diverses fêtes religieuses.
La Commission
A la demande du premier ministre, M. Jean Charest, la CCPARDC a dressé un portrait des pratiques d’accommodement, mené une consultation publique dans l’ensemble du Québec et étudié les enjeux en cause.
Plus de 900 mémoires provenant de citoyens, de groupes et d’associations ont été déposés et 241 témoignages ont été entendus durant les 31 jours d’audiences. Un total de 3 423 personnes ont participé aux 22 forums régionaux et plus de 800 aux quatre forums nationaux. Treize recherches ont été commandées à des spécialistes de différentes universités québécoises et 31 groupes-sondes ont été organisés à travers le Québec avec des personnes de divers milieux.
Lorsqu’elle mettra fin à ses activités en juin, la CCPARDC aura dépensé un montant de 3,7 millions de dollars sur un budget total de 5,1 millions de dollars. Le rapport final et les autres documents afférents peuvent être consultés en ligne à l’adresse : ww.accommodements.qc.ca.
Lire le communiqué de la commission Bouchard-Taylor : Communiqué de la commission Bouchard-Taylor