Finance islamique. Tous les jours, des Al-Kanznautes commentent nos différents articles : ils corrigent, ils approuvent, ils critiquent, ils apportent de nouvelles informations ou encore défendent un avis contraire. Voici quelques-uns des commentaires qui ont suivi la publication de l’article intitulé Mon banquier, mon imam et moi…. Vous pouvez poursuivre la discussion en postant vos propres commentaires, plus bas.
Ribh, du blog éponyme Ribh, écrit
Salam. Vous soulevez des questions essentielles. Bien sûr que c’est le développement de l’homme qui est le but premier et ultime de l’Islam, et par assimilation de la finance islamique. Toutefois, vouloir évacuer de la finance islamique toute composante mercantile relève d’une candeur qui n’est pas sans rappeler le « Changer le monde » soixante-huitard. Il faut éviter un idéalisme qui dénie la réalité de la nature humaine… et des principes fondateurs de l’économie. Sans l’appât du gain les marchands ne traverseraient pas les déserts et les océans.
La finance islamique moderne à un grand rôle à jouer dans la correction des travers et des excès du capitalisme spéculatif. Elle est un formidable pont d’échanges – économiques mais aussi culturels – entre l’orient et l’occident, et une vitrine qui permet à ceux qui le méconnaissent de s’interroger sur l’Islam. Dans le contexte d’une république laïque, la portée sociale et éthique de l’économie musulmane ne peut être lue qu’en filigrane. C’est déjà beaucoup si cette finance parvient à jouer ce rôle. Il appartiendra à d’autres sphères de mettre en valeur les autres facettes et attraits de l’Islam.
Abdellah écrit
Merci beaucoup frère Marwan pour cet article.
J’aurais quelques commentaires :
– « Mme Lagarde, si vous êtes sincèrement convaincue des bienfaits de la finance islamique et des objectifs qu’elle sous-tend, c’est très simple, il suffit de lever l’index et de répéter après moi : « Ashhadou an laa ilaha illa Allah… » »
Cette proposition que je ne trouve pas pertinente devrait être audité par un Scholar avant d’être annoncé dans un site comme celui de al-Kinz 🙂
Faudrait-il être musulman pour parler ou pratiquer la finance islamique?…
– » L’un veut être le directeur de la première banque islamique sur la place de Paris et soigne son nœud de cravate, l’autre s’improvise jurisconsulte islamique alors qu’il est incapable de définir les objectifs de la Shari’a. L’autre encore rêve d’être le partenaire privilégié des banques pour rafler la mise… Voilà donc l’avenir de la finance islamique à la française tel qu’on nous le prépare ? » :
Quel est le mal en ça ? C’est valable pour toute nouvelle industrie qui présente un potentiel…les gens font un effort…le marché et les acteurs professionnels déciderons…la finance islamique est devenue internationale et bénéficie d’un cadre normatif international…donc celui qui sera incompétent, ne pourra survivre…
Marwan, auteur de l’article en question, écrit
Barak Allahufikum pour les commentaires.
A Mohammed:
Je ne suis pas pessimiste, je mets juste en garde mes frères et soeurs (en Islam et en citoyenneté) contre:
– l’idéalisme vis-à-vis des « banques islamiques » de qui on attend peut être trop (et trop vite)
– le risque d’instrumentalisation des Musulmans à des fins prioritairement mercantiles et financières, alimentée par la volonté d’exister de certains d’entre nous, issus d’une génération sans réelle représentation crédible
– la division parmi nous, en tant que communauté de croyants et en tant que communauté de citoyens/consommateurs, qui permet à un petit groupe de se servir de nousJ’ai beaucoup d’espoir au contraire mais, pour dire la vérité, je n’attends pas que le salut vienne de la part d’intervenants de la finance cherchant avant tout leur profit personnel ni d’intervenants politiques cherchant avant tout à conquérir/conserver le pouvoir.
J’espère par contre qu’en posant ces questions de manière ouverte dans ce contexte de crise, on va pouvoir induire une prise de conscience plus large sur les finalités du vivre ensemble et sur la façon dont la boite à outils de l’économie et de la finance devrait être au service de nos projets humains (et pas l’inverse).
A Ribh :
Barak Allahufik, je suis bien d’accord avec l’essentiel de ce que vous dites.
Je n’idéalise pas et je ne nie pas la nature humaine qui réagit à l’appât du gain. Je vous rejoins également sur le rôle d’exemple et de passerelle que peut jouer la finance islamique avec les non-Musulmans. Je dis par contre qu’il y a une forme de légitimation dans la « correction du capitalisme ».
Cette correction/adaptation peut être une formidable da’wa quand elle se fait sous la responsabilités d’autorités musulmanes consciente des enjeux et qui construisent une stratégie de long terme. C’est, al hamdulillah, ce que font par exemple les shouyoukhs d’ACERFI dans leur façon de valider les produits qui leur sont soumis. C’est aussi ce que tente de faire, dans un autre registre, Al Kanz en alertant les consommateurs musulmans sur certaines dérives.
Par contre, sans une réelle prise en compte des objectifs de l’Islam, cette adaptation du capitalisme vire parfois à la caricature du « produit sharia –compliant » qu’on a fait passer de force à travers le « filtre de halalisation ».
Est-ce qu’on serait contents d’avoir un Mc Donalds halal ou considère-t-on un tel objectif comme une diversion ?
Est-ce que le modèle de vie américain/capitaliste deviendrait islamique si on enlevait tout ce qui y est haram ?
Ce sont des questions auxquelles nous devons répondre pour trouver la bonne marche à suivre insha Allah.
Quant à la portée éthique et sociale de l’économie musulmane, comment l’évacuer ou la cantonner à d’autres champs ? C’est parce qu’elle est conforme aux règles et aux objectifs de l’Islam que l’économie musulmane est plus juste. C’est ce référentiel et cette dimension religieuse/spirituelle qui donne aux Hommes la volonté de faire le Bien. Sinon, pourquoi ?
On pourra objecter qu’on peut faire le Bien par choix du « pacte social » ou pour le confort des « générations à venir », mais le fait est qu’en général ces postures là sont déjà des choix qui ont trait à la Foi… Cela vaut aussi pour la France laïque du 21eme siècle, où l’athéisme bercé d’humanisme, qui semble prévaloir, est une croyance comme les autres.
Très personnelement (ce qui veut dire que cela n’engage que moi), si nos efforts vers la finance islamique ne servent pas à aider ceux qui en ont besoin et à accomplir ce que l’Islam attend de nous alors merci mais… non merci. Qu’Allah (swt) nous aide par sa miséricorde à réconcilier ces différentes visions.
A Abdellah :
Ma proposition à Mme Lagarde était un trait de dérision, probablement deplacé, mais qui nous interroge plus en tant que Musulmans sur notre façon d’attendre l’approbation/l’aide des autres, ainsi que l’hypocrisie du double discours qui est tenu aux Musulmans…
Il ne faut pas la voir pour autre chose que cela.
En tant que ministre, Mme Lagarde a toute légitimité à parler du « marché de la finance islamique » qu’elle voit comme une source de revenus potentiels pour le secteur bancaire français. C’est quelque part un succès que le système conventionnel « ouvre ses portes » à la finance islamique (pour aller ou ?… on ne sait pas encore). A nous ensuite de faire en sorte que ça ne tombe pas dans la caricature.
Sur le double discours vis-à-vis des Musulmans, je persiste et signe : le contexte français n’a jamais été aussi islamophobe et, en même temps, jamais aussi ouvert à la finance islamique. Il y a en cela un paradoxe que je dénonce clairement.
En ce qui concerne les espoirs de faire partie de l’élite de la finance islamique, je ne vois pas de mal « en soi » à ce que certains d’entre nous y voient les jalons de leur carrière. Au contraire, on serait en bien mauvaise posture si aucun Musulman sérieux ne voulait y prendre part.
Par contre, il y a une claire imposture d’expertise dans le fait de se présenter en spécialiste de la finance islamique et de la shari’a sans le cursus qui va avec. Il y a également un conflit d’intérêt dans le cas de quelqu’un qui voudrait « définir la finance islamique en France » et en même temps prendre personnellement part à la création d’une banque, sans règle de décision claire entre les objectifs personnels et le bien collectif.
C’est ce genre de dérives que je dénonce dans le paragraphe que vous citez et surtout pas la volonté des Musulmans, chacun à leur échelle, de prendre part à la dynamique collective.
Qu’Allah fasse de nous des hommes et des femmes qui oeuvrent à Sa cause.
Et vous qu’en pensez-vous ?
as salamu alaykum,
Je pense qu’on a tendance à sortir la finance islamique du cadre dans lequel elle s’exerce. Si la question de l’émergence d’une finance islamique dans un monde où la finance n’a rien d’islamique est intéressante et si les fuqahas(jurisconsultes) doivent effectivement « plancher » sur cette problématique, il ne faut pas oublier une réalité: La France, le Royaume Uni, le Canada ou encore les USA sont des pays ouvertement en guerre contre les musulmans.
La théorisation passe mais la mise en pratique (surtout lorsqu’elle se revendique comme moyen de relever l’économie mécréante hostile) je me permets d’esposer mes doutes sur la moralité de cette histoire.
Je pense que comme pour l’alimentaire, c’est une histoire de gros sous sans éthique, sans morale et finalement sans l’esprit même de l’islâm. Une sorte de coquille d’oeuf halpal vide en somme.
coquilles:
– exposer au lieu d’esposer
– halal au lieu de haplal
Merci.
as-salâmu ‘alaykum
Green
Qu’importe le flacon, pourvu qu’on ait l’ivresse, dit l’adage.
Si ces pays mettent en place des systèmes en pleine conformité avec l’islam, pourquoi vouloir absolument qu’ils le fassent avec des intentions non mercantiles ?
Les régles de l’AAOIFI exigent que des Shariah boards valident chaque produit, transaction ou investissement.
Pour le consommateur Lambda, c’est envers les Ulamma qui ont autorisé ou interdit tel ou tel principe qu’il pourra se justifier devant Dieu.
Ces gens là sont bien qualifiés pour juger du licite et de l’iliicite. Espérons que la pression des investisseurs et des managers n’influera pas sur leur opinions.
financialislam.com