Avril 2011. Le Parlement européen votait un texte – provisoire – sur l’obligation de mentionner sur les étiquettes de produits carnés issus de l’abattage rituel « abattus sans étourdissement » (voir l’Europe vote l’étiquetage « abattus sans étourdissement).
Victoire pour les animalistes
Victoire pour les animalistes, catastrophes pour les juifs et les industriels du faux halal. Victoire pour les animalistes, car c’est l’une de leurs principales revendications. Catastrophe pour les juifs, car 70 % de la carcasse d’une bête casher part de facto dans le circuit traditionnel. La filière casher ne survit que parce qu’elle a la possibilité de revendre à d’autres les parties de la bête non consommable pour un juif. Catastrophe pour les industriels du faux halal, car cet étiquetage les aurait contraint à la transparence, hantise absolue tant l’opacité profite à leurs petites affaires.
Voici ce que disait le communiqué de presse officiel.
Étiquetage supplémentaire pour les viandes et étiquetage clair des « imitations »: ne pas induire le consommateur en erreur
Selon les députés, les étiquettes des viandes devraient indiquer le lieu de naissance, d’élevage et d’abattement de l’animal. En outre, la viande provenant d’animaux abattus sans étourdissement (conformément à certaines traditions religieuses) devrait être étiquetée comme telle et la viande composée de morceaux reconstitués devrait porter la mention « morceaux de viande reconstitués ».
Les députés ont affiné les règles existantes afin que le consommateur ne soit pas induit en erreur par le conditionnement des denrées alimentaires. Ils ont également insisté pour que les denrées alimentaires n’aient pas l’apparence, du fait de l’étiquette, d’une autre denrée alimentaire. Selon eux, le remplacement d’un ingrédient par un autre doit être clairement indiqué sur l’étiquette. Les denrées alimentaires contenant de l’aspartame devraient porter l’étiquette « contient de l’aspartame (source de phénylalanine et pourrait ne pas convenir aux femmes enceintes) ».
Prise de position publique du Consistoire
Mai 2011. Le Consistoire publiait un communiqué de presse sur son site appelant à défendre l’abattage rituel. Le propos était clair et alarmiste. Conscientes qu’il faille plutôt traiter de ces problématiques, très polémiques et particulièrement prisées de l’extrême-droite antisémite et islamophobe, en toute discrétion, les autorités juives multiplient depuis plusieurs mois les interventions publiques ; ce qui témoigne de’une très grande préoccupation et de l’extrême gravité de la situation.
Le 19 avril 2011, la commission Environnement du Parlement Européen a adopté un amendement, dit Gerbrandy-Jorgensen qui prévoit l’étiquetage des viandes provenant d’animaux abattus sans étourdissement, c’est-à-dire issues d’abattage selon un rite religieux (juif ou musulman). Ce texte, avec de très nombreuses autres dispositions sur l’étiquetage des aliments, sera soumis au Parlement pour adoption en séance plénière début juillet 2011. L’amendement Gerbrandy-Jorgensen pose comme postulat que l’abattage sans étourdissement est source de douleur importante pour les animaux. L’étiquetage des viandes abattues selon un rite religieux permettra ainsi d’accréditer l’idée que les animaux dont proviennent ces viandes auront été exposés à une souffrance inutile et injustifiée, selon un rite rétrograde. On peut prévoir d’ores et déjà des conséquences dramatiques sur les circuits de production et de distribution de la viande cacher ou halal.
Même le CRIF, organisation laïque, s’est ému de la situation et en est venu appeler au lobbying (voir Abattage casher : le CRIF appelle au lobbying).
Volte-face
Après le vote du 19 avril, la situation semblait très compliquée. Si compliquée que les autorités françaises ont demandé, discrètement, aux organisations juives et musulmanes d’approuver et de soutenir le texte. Recommandation non suivie ni par les représentants de la communauté juive, ni par les négociateurs européens qui ont planché sur le texte. Suite aux protestations « de représentants de la communauté juive » contre cette mesure « qui aurait pénalisé selon eux les abattoirs cashers », comme l’indique une dépêche AFP de ce jour, « les négociateurs se sont finalement mis d’accord pour évacuer la question dans une future réglementation européenne concernant le bien-être animal, selon un diplomate européen ». De fait, le communiqué de presse publié hier ne comporte plus aucune mention à l’abattage rituel, contrairement au précédent.
Cette volte-face de l’Europe risque d’agacer sérieusement Brigitte Bardot, qui n’a de cesse de s’attaquer à l’abattage rituel. De même, il va être très difficile à Nicolas Dhuicq, l’UMP qui en veut à l’abattage rituel uniquement halal, de mener à bien son entreprise anti-halal. Après avoir été mouché une première fois en décembre dernier (L’UMP fait retirer en catimini la loi contre l’abattage rituel), le député de droite a essayé gauchement de convaincre que son projet était toujours d’actualité. Mieux, érigeant l’absurde en tactique politique, N. Dhuicq est allé, dans un entretien accordé au souvent croquignolesque Causeur.fr, jusqu’à différencier le casher du halal, dédouanant le premier – ce qui a dû faire bien rire les connaisseurs –, accablant le second.
Juifs et musulmans sont des alliés objectifs dans la défense de leur droit, reconnu par la loi française et par l’Europe, de disposer de viandes abattues rituellement. Vouloir distinguer l’abattage rituel musulman de l’abattage juif est toujours douteux, tant ils sont similaires. Si la défense des consommateurs était sa véritable motivation, Nicolas Dhuicq ne commettrait pas un impair aussi disqualifiant. Big fail, comme souvent à l’UMP, chez qui on devrait tout de même travailler mieux les dossiers. Pas si facile finalement de taper sur les musulmans ^_^.
Pour rappel, l’étourdissement préalable, c’est aussi ça.
Salam ‘aleykoum,
C’est vraiment dommage