A Pleucadeuc dans le Morbihan, les salariés de l’abattoir de dindes du volailler Doux attendent avec fébrilité que la reprise du site par un « grand groupe anglais » soit confirmée. En prise à des difficultés depuis une dizaine d’années, l’ancien numéro français de la volaille a dû sacrifier son pôle frais et licencier un millier d’employés.
En revanche, les pôles surgelés et produits élaborés, qui emploient 2 380 salariés, sont dans une meilleure santé. Mais pour combien de temps ? Le groupe Doux est en effet assis sur une bombe à retardement. Le site de Châteaulin qui affiche d’excellents chiffres, avec 500 000 poulets abattus par jour, a pour principaux clients les pays musulmans.
Le surgelé en bonne santé grâce aux pays musulmans
Depuis des dizaines d’années, des quantités astronomiques de poulets non halal inondent par millions les pays musulmans. La fraude est gigantesque : les poulets sont abattus par abattage mécanique, après passage dans un bain électrifié, sans présence de contrôleurs extérieurs qui s’assureraient du respect des principes qui encadrent l’abattage rituel.
Poulets abattus à la chaîne par une scie circulaire
Or, il n’y a pas d’abattage rituel chez Doux, ni chez Tilly-Sabco et encore moins chez Salvel. Pourtant les poulets sont commercialisés jusque dans les magasins de la ville sainte de La Mecque, où des millions de pèlerins musulmans effectuent chacun omra (petit pèlerinage) et hajj (pèlerinage)… et consommant des poulets haram (illicites).
Les poulets Doux non halal inondent les supermarchés saoudiens
Dans ses différents rapports annuels, Doux se satisfaisait de la consolidation de sa présence au Moyen-Orient. Alors que la consommation de poulets en France a baissé, les pays musulmans et la Russie permettent au pôle Grand Export de réaliser d’excellents chiffres. L’Arabie saoudite constitue une cible favorite. On comprend dès lors que Doux travaille à inonder ces pays de ses poulets abusivement estampillés halal.
La vente aux Arabes, fierté de Doux
Chaque année, Doux fait la part belle aux pays musulmans, où ses poulets se vendent par milliards.
Rapport financier annuel 2008
« Le Groupe a ainsi conforté sa place de premier exportateur de volaille et de produits élaborés vers l’Arabie Saoudite (avec une part de marché de 36 % en forte progression, grâce à des actions commerciales et de communica- tion régulières), aux Emirats Arabes Unis (50 % de part de marché), en Oman (23 % de part de marché) ou encore au Qatar (18 % de part de marché). Le Groupe Doux a également pris des positions impor- tantes en Jordanie, au Qatar, au Liban, en Géorgie ou encore au Tadjikistan au cours de l’exercice 2008 ».
Rapport financier annuel 2009
« Avec un chiffre d’affaires de 404 M € en 2009, le Groupe Doux a continué d’être un acteur majeur au Moyen-Orient, marché historique du Groupe, avec un renforcement de ses parts de marché en Arabie Saoudite (40 % de parts de marché), principal marché de la région, et la conquête de nouveaux marchés tels que l’Irak et l’Iran. En Iran, le Groupe s’est rapproché d’un partenaire stratégique pour détenir aujourd’hui une part de marché de produits importés d’environ 50 %. Depuis 2009, la marque Doux fait également l’objet d’une campagne de promotion et d’affichage dans la distribution traditionnelle, notamment aux Émirats arabes unis, au Qatar, au Yémen et en Oman ».
[…] Le Groupe Doux s’est rapidement positionné comme un acteur majeur de cette mutation : absent de ce marché en 2007, il détient aujourd’hui 18 % du marché égyptien. Le Groupe travaille avec deux distributeurs dans les régions du Caire et d’Alexandrie, qui représentent à elles deux 31 % du commerce de poulet, et s’est également fortement développé dans la région de Louxor, grande région touristique avec ses croisières et hôtels. Une importante campagne marketing « in store » (dans les supermarchés) à marque Doux a été lancée : le logo et les visuels Doux habillent les camions destinés à la distribution des produits vers 675 points de vente au Caire et à Alexandrie (soit 50 % des points de vente de ces régions) ».
Ajoutons que Tilly-Sabco et Doux ont exporté en 2011 220 000 tonnes de poulets vers les pays du Proche et du Moyen-Orient, selon des chiffres rapportés par le Télégramme de Brest, soit la majorité des 55 % de poulets produits en Bretagne et destinés à ce marché ; le Télégramme de Brest qui en octobre 2010 relevait la fraude généralisée en évoquant, par un euphémisme, « l’opacité » de l’AFCAI, certificateur de Doux et Tilly-Sbaco.
La supercherie se dévoile peu à peu
Bien que le scandale couve depuis des années, Doux a toujours fait l’autruche. Guy Odri, directeur général débarqué l’an dernier par Charles Doux, PDG du groupe, s’est toujours félicité des bons chiffres réalisés dans les pays musulmans. Pourtant, après deux reportages qui dévoilèrent la supercherie, Doux et KFC, qui se fournissait chez le volailler français pour ensuite commercialiser les poulets abusivement estampillés halal, sollicitèrent, pour se couvrir, la SFCVH-mosquée de Paris. Depuis, le business continue, mais jusqu’à quand ?
Doux joue sciemment avec le feu. Si le volailler a traversé les décennies en vendant du faux halal aux pays musulmans, les réseaux sociaux et plus généralement Internet pourraient mettre un terme à cette fraude. L’an dernier, dans plusieurs forums arabes, mais aussi sur Facebook et sur Twitter, les mises en garde contre les poulets Doux se sont multipliées.
En juillet 2012, @mo0sho, un internaute suivi par près de 100 000 abonnés sur Twitter, invitait chacun à prendre garde à ces poulets. Il en est de même de bien des pèlerins indo-pakistanais qui se gardent bien de consommer du poulet importé lors de leur pèlerinage.
Toujours en 2012, une photo d’un poulet doux entier, et non le coffre du poulet sans la tête, circula massivement. Un consommateur musulman fit circuler l’image après avoir acheté ce poulet de la marque Doux. C’était là, affirmait-on, la preuve que les poulets de la marque Doux n’étaient pas abattus rituellement.
Deux avant, interrogé sur ce scandale, un cheikh saoudien invitait à ne pas manger les poulets Doux. Un an plus tard, c’est un autre savant saoudien qui mettait en garde contre ces poulets abusivement estampillés halal.
Lire : Nouvelle fatwa contre les poulets Doux, KFC, Carrefour et assimilés .
De même, on apprenait il y a une huitaine de jours sur Twitter qu’un savant indien, résidant en Arabie saoudite, a toujours refusé de consommer de la viande importée de l’étranger.
1/ Shaykh Wassiyoullah Abbass, Savant indien résidant à Mekkah depuis 45ans, a confié 1 frère qu’il n’a jamais mangé de viande d’importation
— Majarrah (@majarrah_) April 10, 2013
2/ depuis qu’il réside en Arabie Saoudite. Il doute fortement du fait que ces viandes soient licites, donc il s’abstient cc @alkanz
— Majarrah (@majarrah_) April 10, 2013
Tout cela nous amène au cas du Maroc. Deux ans après un billet sur les poulets non halal vendus au Maroc avec l’estampille halal, un internaute marocain nous envoie une photo prise dans un magasin de la chaîne Asswak Assalam.
Comme dans le cas de McDonald’s au Maroc au moins pendant un temps, les Marocains ne consomment pas ce qu’ils pensent consommer. Il serait bon qu’un maximum de personnes contactent l’office national de sécurité sanitaire des produits alimentaires (ONSSA), qui a récemment rappeler tous les produits Findus halal après avoir trouvé du cheval. Notons qu’en France Findus n’a pas rappelé les produits incriminés, malgré les analyses positives de l’ONSSA. Comme Herta, après la découverte de cochon dans les knackis prétendument halal, Findus a considéré qu’il n’y avait pas lieu de rappeler des produits pourtant mis en cause.
Télécharger la liste de contact de l’ONSSA (pdf) : Contacts directions et laboratoires de l’ONSSA
Pour contacter Asswak Assalam : contact@aswakassalam.com
Dans un reportage de France 3 Bretagne, le site de Châteaulin d’où partent les poulets à l’export, dans les pays musulmans, est en parti dévoilé. Doux a rarement autorisé des journalistes à en filmer l’intérieur.
Terminons en rappelant qu’en décembre dernier le groupe privé algérien Cevital a montré son intérêt pour racheter Doux. Le dossier est particulièrement épineux, le gouvernement réfléchissant à deux fois avant d’autoriser un groupe étranger mettre la main sur ce qui fut l’un des leaders de la volaille en Europe.