N., cadre dans une grande entreprise française, travaille dans le quartier très col-blanc de la Défense, près de Paris. Ce matin, il a lu l’article de Valérie Leboucq, journaliste au quotidien Les Echos, intitulé « Le polo L.12.12 de Lacoste ».
Comme le titre l’indique, l’article porte sur le célèbre polo au crocodile, très prisé par la jeunesse des banlieues françaises. Au milieu de l’article, voici ce que l’on peut lire.
N. travaille certes à la Défense, mais lui aussi a aimé ce polo et lui aussi est un ancien « jeune de banlieue », mais pas un « caillera ». Il l’a dit ce matin en envoyant le mail suivant à la journaliste Valérie Leboucq.
« Depuis que les « caillera » de banlieue s’en sont emparés au début du millénaire, la marque a retrouvé une pertinence certaine auprès des jeunes, qui auparavant avaient tendance à l’associer à Jacques Chirac. »
Pourquoi utiliser un mot aussi insultant, méprisant et réducteur à l’endroit d’une catégorie de personnes qui vivent dans ces quartiers ? Pourquoi cette violence verbale ? Pourquoi cette insulte gratuite qui condamne toute une jeuness e? N’aurait-il pas été plus simple d’utilisé « jeunes de banlieue » ou plus exactement « une certaine catégorie de jeunes de banlieue ». Vous seriez-vous permise, dans un autre article, de réduire les curés à des pédophiles, les hommes politiques à des escrocs, les Corses à des terroristes ?
Pourquoi ne pas accepter que ces jeunes sont en réalité comme tous les autres Français puisqu’ils sont sensibles à la beauté et la qualité de ce produit, qu’ils sont aussi des fashion victimes comme toutes ces personnes du show-biz et de la politique que vous mentionnés plus haut dans votre article. Ils succombent eux-aussi aux plans marketing et renforts de publicités faites par ces industries françaises du luxe.
Ce que beaucoup trouve beau, ils le trouvent beau eux aussi. Au final ils sont très franchouillards et ne sont finalement pas si mal intégrés qu’on pourrait le croire, puisqu’ils s’affichent avec une marque française. Ils ne sont pas dans le rejet. De plus « ces gens-là » consomment français et représentent, quoiqu’on en dise, une bonne partie de la clientèle et donc du chiffre d’affaire réalisé par une entreprise française.Étant originaire de ces quartiers difficiles, quand il m’arrivait de revêtir un polo Lacoste parce que je trouvé qu’ils étaient beaux, bien faits et de très bonne qualité, j’avais toujours peur des remarques et des clichés sur les jeunes de cités, jusqu’au point où je m’autocensurais en m’interdisant d’aller au bureau avec un polo Lacoste. Mais très vite, ce souci de l’apparence, j’ai pu voir que d’autres ne l’avaient pas. Au bureau, les cadres moyens, ce qu’on appelle « les couches moyennes » n’ont aucun complexe à s’afficher avec un polo Lacoste en fin de semaine. Ça fait même plutôt chic, BCBG, décontracté.
C’est une réalité, les jeunes des cités sont comme tout le monde. Ils veulent ce qui est beau, de qualité. Et c’est vrai que Lacoste rencontre un grand succès dans ces cités. Mais ce n’est pas parce que quelques délinquants s’habillent en Lacoste qu’il faut généraliser et qualifier de « racaille » comme vous le faîtes l’ensemble des jeunes qui portent du Lacoste en banlieue. C’est insultant, dégradant, discriminatoire envers toute une partie de la jeunesse.
Quelques heures plus tard, la journaliste a répondu à N. à qui elle indique faire le distinguo entre « caillera » et « racaille » ; le premier terme relevant plutôt du langage familier et non tant de l’insulte. Dont acte.
De la pure hypocrisie à la française…