Coup de tonnerre à New York après les révélations de Adam Goldman and Matt Apuzzo, deux journalistes de l’agence Associated Press : les mosquées de New York sont des organisations terroristes.
Permettre à la police d’enquêter sur tous les musulmans
C’est en tout cas la désignation choisie depuis au moins 2003 par la police de New York (NYPD) pour pouvoir espionner tous les musulmans pratiquants qui les fréquentent, enregistrer les sermons, installer des micros un peu partout dans les mosquées, noter les coordonnées personnelles des fidèles, infiltrer les lieux de culte en recourant à des indicateurs et mener des enquêtes criminelles sans qu’il n’y ait le moindre crime ou délit au préalable.
C’est en convainquant un juge fédéral de modifier en 2003 une loi datant de 1971 que David Cohen, ancien du FBI et devenu numéro 2 patron de la police new yorkaise à partir de 2002, a permis au NYPD de mener des enquêtes connues sous le nom de « Terrorism Enterprise Investigations » (TEI) lorsque des « faits ou des circonstances indiquent » que des individus sont susceptibles de mener des activités terroristes. Dans le cas des musulmans et des mosquées de New York, être musulman pratiquant a suffi.
Tous terroristes, tout surveiller
Conséquence directe de cette désignation infamante : toute personne fréquentant les mosquées en question était considérée comme un terroriste potentiel et, de fait, pouvait faire l’objet d’une enquête et être surveillé de près. Le cas de Mohammad Elshinawy est troublant : jeune prédicateur, il était dans le viseur du NYPD pour son charisme auprès des jeunes. Alors que le FBI, qui avait enquêté sur lui, avait classé le dossier sans suite, la police de New York est allée jusqu’à filmer son mariage, n’épargnant aucun invité et, selon le rapport d’un lieutenant, indiquer que bien qu’elle n’ait rien sur la mariée elle espérait « obtenir des éléments d’information sur elle ». Quatre ans plus tard, alors que rien de la vie privée et publique de Mohammad Elshinawy n’a échappée à la police, aucune charge n’a été établie contre lui.
Ces pratiques n’ont pas manqué de jeté le trouble. Bill de Blasio, candidat à la mairie de New York, a dit mercredi son émoi sur Twitter.
Deeply troubled NYPD has labelled entire mosques & Muslim orgs terror groups with seemingly no leads. Security AND liberty make us strong.
— Bill de Blasio (@deBlasioNYC) August 28, 2013
En revanche, comme le rapporte toujours sur Twitter le journaliste Matt Apuzzo, l’actuel patron de la police de New York reste droit dans ses bottes et ne nie pas que les moquées ont bel et bien étaient considérées comme des organisations terroristes.
Kelly doesn't deny NYPD labels mosques as terrorist organization: “We follow leads. We’re not intimidated as to wherever that lead takes us"
— Matt Apuzzo (@mattapuzzo) August 28, 2013
Le recours à des taupes
Ajoutons que le NYPD ne s’est pas contenté de mettre sur écoute les mosquées. La police new yorkaise a aussi recruté des taupes, comme dans les bons vieux films d’espionnage du temps de la Guerre froide, pour les introduire dans les conseils d’administration des associations en charge des lieux de culte musulmans. AP publie à cet égard un document confidentiel de la police dans lequel l’on peut lire les différents profits recherchés.
Ici, un homme d’origine plutôt albanaise, bosniaque, montenegrienne ou yougoslave, ayant des vues violentes particulièrement envers les juifs et actif sur Internet.
Là, un Arabe ou un Pakistanais qui devra être proche des jeunes et ayant de préférence une expérience dans les arts martiaux.
Toutes ces informations proviennent de centaines de documents et des entretiens avec des responsables la police new yorkaise, la NYPD, de la CIA et du FBI que les journalistes Matt Apuzzo et Adam Goldman ont mené pour écrire leur livre intitulé « Ennemis de l’intérieur ».
Déjà en procès contre la police de New York à cause d’un programme de surveillance des musulmans qui fait grand bruit depuis plusieurs mois, la puissante organisation pour la défense des libertés, l’ACLU (American Civil Liberties Union) a réagi mercredi sur son site suite à la publication de ces informations d’Associated Press. « Ces nouvelles informations sur l’espionnage par le NYPD confirment les pires craintes des musulmans de la ville de New York. Des lieux de culte à une cérémonie de mariage, rien de la vie religieuse ou personnelle des musulmans n’a été épargnée par la police new yorkaise à travers sa politique de surveillance », a déclaré Hina Shamsi, responsable à l’ACLU.
En France, si les médias ne disent rien de la surveillance des mosquées et des musulmans, il est de notoriété publique que les oreilles des organismes de surveillance ne s’arrêtent pas au seuil des lieux de culte ni sur le perron des domiciles des musulmans.