Publié le 16 mai 2012. Rediffusé le 31 mai 2014. L’article suivant a été rédigé par Me Mohand Ouidja est avocat à la Cour. A un mois de ramadan et à quelques jours de la campagne commerciale de l’industrie agro-alimentaire et de la grande distribution qui se préparent à engranger des millions d’euros en vendant du faux halal aux musulmans, il est bon de rappeler que les consommateurs doivent être vigilants.
L’article L 213-1 du code de la consommation précise : « se rend coupable de tromperie, quiconque, qu’il soit ou non partie au contrat, aura trompé ou tenté de tromper le contractant, par quelque moyen ou procédé que ce soit, même par l’intermédiaire d’un tiers » sur un des éléments visés par ce texte (nature, origine, qualités substantielles, composition, teneur en principes utiles, quantité, aptitude à l’emploi, risques, contrôles effectués, mode d’emploi, précautions à prendre).
Une jurisprudence casher
La jurisprudence, c’est-à-dire les décisions habituellement retenues par les magistrats, retiennent le plus souvent l’existence d’une tromperie lorsqu’il apparaît que le professionnel a délibérément porté atteinte aux qualités substantielles du produit.
Les juridictions (tribunaux, cour d’appel, Cour de Cassation) considèrent qu’il existe une tromperie sur les qualités substantielles d’un produit lorsque la composition n’est pas conforme à celle annoncée sur l’étiquetage (cour d’appel Paris 24 juin 1974 ; Cour de Cassation chambre criminelle 26 février 1985).
Un commerçant a par exemple été rendu coupable de tromperie pour avoir vendu des truffes qui n’en étaient pas (cour d’appel de Bordeaux 13 février 1964).
Dans le domaine du halal, une procédure engagée contre un professionnel malhonnête pourrait s’inspirer de l’appréciation des juridictions en matière de viande casher.
La tromperie a par exemple été retenue dans le cas d’une viande vendue casher, alors que l’abattage n’avait pas été effectué selon le rite israélite. À cette occasion, les juridictions ont indiqué que les qualités substantielles ne se limitaient pas aux caractéristiques physiques de la marchandises.
Ainsi, commet le délit de tromperie sur les qualités de la marchandise vendue celui qui vend ou met en vente sciemment, en la présentant comme étant « casher » de la viande qui ne possède pas cette qualité substantielle (Cour de Cassation criminelle du 21 juillet 1971).
Mode d’emploi
Mais pour dénoncer ce type de pratiques illicites, il y a lieu de décomplexer le consommateur sur sa responsabilité en matière de procès pénal. Il faut bien comprendre que le procès pénal est en réalité lancé et géré par le procureur de la République. Le consommateur n’est en réalité pas l’acteur direct du procès. Il se contente simplement de prendre l’initiative de dénoncer une pratique frauduleuse.
Toutefois, pour que le procureur puisse décider de poursuivre un commerçant fraudeur, il faut lui apporter des éléments concrets pour appuyer l’existant d’une fraude. Or, en matière de droit de la consommation, le consommateur dispose d’un outil efficace qui peut lui permette de provoquer des poursuites pénales contre des fraudeurs de produits halal.
Ainsi, si vous disposez de soupçons sérieux sur l’existence d’une tromperie sur les qualités substantielles d’un produit halal, il faut en informer la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF). Le site de cette administration http://www.economie.gouv.fr/dgccrf/contacts permet d’adresser réclamation par courriel.
Pour informer la DGCCRF de l’existence d’une fraude, il convient d’être précis en indiquant, le nom du fabricant, le nom et le numéro de lot du produit suspecté.
La loi permet à cette administration de mener les investigations les plus étendues pour vérifier l’existence d’une fraude (examens biologiques, saisie des lots litigieux pour vérification etc.). Si les agents de la DGCCRF constatent, à leur sens, l’existence d’une infraction ils en informeront le procureur de la République pour des poursuites pénales éventuelles contre le fraudeur.
Déposer une plainte contre X
Le consommateur peut éviter une telle dénonciation calomnieuse en déposant plainte contre X, c’est-à-dire sans désigner nominativement le fabricant qu’il soupçonne de fraude. Mais une démarche engagée directement auprès du procureur implique de réunir des preuves suffisantes pour encourager ce dernier à poursuivre. C’est précisément pour cette raison qu’il convient de solliciter la DGCCRF qui constitue l’administration idéale pour ce type de litige.
Cela dit, si les consommateurs doivent être au fait des solutions juridiques, il est toujours préférable de prévenir le commerçant frauduleux des soupçons que l’on porte sur lui. Une démarche amiable avec le commerçant (boucher, enseigne de la grande distribution, industriel, etc.) pourra toujours être initiée.
En qualité de consommateur, on peut par exemple adresser, par lettre recommandée, un courrier au commerçant pour lui faire part de ses doutes et l’interroger sur son système de traçabilité, le rituel suivi…
Ce courrier peut lui rappeler les conséquences légales d’une tromperie.
S’il ne répond pas au courrier ou que les réponses sont insatisfaisantes, il conviendra alors de saisir la DGCCRF
Salamou’aleykoum,
Très bon article. Par contre, le problème de ce genre de démarches c’est que je pense qu’elle ne pourra être applicable que dans les cas où on trouve par exemple des quantités significatives de porc par exemple (excluant toute contamination croisée). Mais il sera difficile d’attaquer un boucher qui se fait certifier par une certification faible ou qui n’applique même pas de certification dans le sens où il pourra toujours plaider la bonne foi et rejeter la faute sur le certificateur ou la personne qui lui a vendu en lui indiquant qu’il s’agissait de viande hallal.