Chaque année, les entreprises versent une taxe appelée « taxe d’apprentissage », via un organisme collecteur, à un établissement qu’elles auront choisi. Ce versement doit se faire avant le 28 février.
Cette taxe est un impôt que les entreprises ont obligation de verser afin de financer « les dépenses nécessaires au développement des premières formations technologiques et professionnelles » (article 224 du code général des impôts). Elle représente 0,5 % de la masse salariale.
Avec l’émergence de l’enseignement privé musulman, cette taxe revêt un enjeu très important : si professionnels et employés musulmans se mobilisent efficacement, ce plusieurs centaines de milliers d’euros, voire plusieurs millions, qui pourraient revenir au privé musulman.
Que les chefs d’entreprise qui nous lisent et qui ont des employés fassent en sorte que leur comptable mentionnent un établissement privé musulman de leur choix, éligible à cette taxe. Que les comptables qui nous lisent invitent leur patron à choisir le privé musulman. Idem pour vous lecteurs d’Al-Kanz et employés. Que nul ne néglige sa capacité à agir.
Publiée initialement le 31 janvier 2012, l’interview suivante nous a été accordée par un responsable du groupe scolaire Al-Kindi, l’un des tout premiers établissements musulmans éligibles à la taxe d’apprentissage.
Al-Kanz : Comme chaque année depuis trois ans, vous sollicitez les entreprises pour qu’elles vous reversent l’argent de la taxe d’apprentissage. Pouvez-nous nous en dire plus sur cette taxe et son principe ?
Al-Kindi : Oui, c’est assez simple. Pour faire court, la taxe d’apprentissage est un impôt dont doivent s’acquitter, avant le 1er mars, quasiment toutes les sociétés, commerces, associations… dès lors qu’ils embauchent du personnel. Cet impôt est, comme son nom l’indique, destiné à financer l’apprentissage et la formation professionnelle. En pratique, si une partie de l’impôt est obligatoirement récupérée par l’État, une autre est librement cessible. En clair, l’employeur peut décider d’offrir la quote-part libre de son impôt, à tel ou tel établissement qui sera agréé. Ce qui, en France, n’est actuellement possible que pour deux établissements privés à référence musulmane, le Groupe Scolaire Al Kindi et le lycée Averroès.
Al-Kanz : Qu’est-ce qui a amené Al-Kindi à se tourner vers les entreprises ?
Al-Kindi : L’idée, comme le constat qui en est à l’origine, était simple. Les projets issus de la communauté musulmane affichent un taux de dépendance aux collectes publiques (marchés, levée de fonds lors des prières de vendredi, etc.) qui est exorbitant. Les gens sont trop sollicités, et finalement, se fatiguent. Le viabilité des projets est de ce fait gravement mise en péril. Les personnes en charge de projets collectifs doivent d’ailleurs savoir que d’autres sources de financement existent et qu’il leur incombe d’y avoir recours. Pour cela, il est nécessaire de se creuser la tête, de chercher à savoir, à comprendre, à vouloir dépasser les complexités des rouages de notre société. L’idée qui a présidé à notre rapprochement avec les entreprises répondait précisément à cette idée-force : aucune école privée ne pourra vivre grâce aux seules quêtes sur les marchés, en « mendiant » quelques pièces, de la charité de passants qui ne s’arrêtent même plus. L’exigence d’ouvrir et de faire vivre des établissements privés étant considéré comme un devoir religieux collectif et individuel, reposant sur l’individu comme au groupe auquel il appartient, nous nous sommes donc mis en quête de fonds là où il y en a. Et c’est ainsi que nous fûmes le premier établissement à référence musulmane à être éligibles à recevoir la taxe d’apprentissage.
Al-Kanz : Quel écho votre démarche a-t-elle à l’égard des entrepreneurs ?
Al-Kindi : Un écho positif, assurément. Tout d’abord, les entrepreneurs sont en général trop occupés par leurs activités quotidiennes pour s’investir dans des projets non lucratifs, sociaux ou religieux. Les solliciter pour le reversement de leur taxe ou pour parrainer l’établissement leur offre ainsi une opportunité de faire coïncider leur activité professionnelle et leur désir de s’engager pour les autres, conformément aux exigences de l’éthique islamique. Par ailleurs, notre démarche présente aussi des vertus pédagogiques : trop nombreux sont en effet les entrepreneurs qui « délèguent », pour ne pas dire abandonnent, la gestion fiscale et administrative de leur commerce à leur comptable. En les sensibilisant aux largesses de la loi et aux possibilités offertes aux acteurs de la vie économique de faire plus que de simplement créer de la richesse, nous leur donnons finalement des outils de compréhension du système qui leur servent à mieux appréhender leur environnement et, in fine, à mieux gérer leur propre entreprise.
Al-Kanz : A combien s’élève votre budget de fonctionnement ? Peut-on penser que le reversement de la taxe d’apprentissage puisse le couvrir dans sa totalité ?
Al-Kindi : A ce jour, notre budget s’élève à plus de 1 550 000 euros par an. C’est gigantesque, je le reconnais. Et pourtant, s’agissant d’un établissement privé, c’est relativement peu par rapport au coût réel de ce que représente une scolarité. C’est là une vérité qui ne souffrira jamais d’être répétée : l’éducatif coûte très, très cher et ne rapporte pas d’argent. Il s’agit de « construire » des hommes, non plus simplement des murs, et en la matière c’est par la réunion solidaire de tous les hommes, l’union des énergies de toute une communauté que nous y parviendrons. Dans ce contexte, la taxe d’apprentissage pourrait-elle couvrir entièrement notre budget ? Mathématiquement, en considérant notre poids économique, oui. Très largement. En pratique, j’en ai seulement l’espoir. Car nous en sommes encore très loin. Pour y arriver, nous devons effectuer un travail colossal d’information, de mise en relation, et finalement, de « conscientisation ». L’objectif est de faire comprendre à tous les concernés que leur inaction est un gâchis incommensurable, dont nous aurons tous à répondre.
Al-Kanz : Comment nos lecteurs entrepreneurs peuvent-ils faire pour reverser la taxe d’apprentissage de leur société ?
Al-Kindi : Très simplement. Il suffit de se rendre sur notre site dédié où tout est expliqué : www.al-kindi.fr.
Lycée Al-Kindi
Etablissement privé musulman d’enseignement général et technologique
Contact : Ymed ATTOUR
17 rue Sully – 69150 DECINES
Port. : 06 73 17 40 39
Fax : 04 78 49 02 03
Site web :
Email : taxeapprentissage@al-kindi.fr
Al-Kanz : Et ceux qui ne sont pas entrepreneurs, mais qui voudraient vous venir en aide. Comment peuvent-ils apporter leur aide ? On peut imaginer par exemple qu’ils en parlent à leur boulanger, leur boucher, leur épicier, etc., non ?
Al-Kindi : Bien évidemment, nous connaissons tous des commerçants, des entrepreneurs qu’on peut appeler. De même, on peut communiquer sur les réseaux sociaux, faire des pages, transférer des mails, passer quelques coup de fils… On ne se doute pas de l’impact de ces petits gestes qui bien souvent changent tout. En faisant la démarche d’aller parler à son commerçant, en lui laissant une plaquette d’information qu’on peut télécharger sur notre site, en insistant pour qu’il n’oublie pas, on devient des acteurs de l’enseignement confessionnel musulman. Et ce n’est pas rien. Aussi minime soit-il, chaque acte devient alors, quand on le relie aux autres, la goutte de pluie annonçant l’averse d’un changement historique. C’est immense ! Wal HamduliLlah. L’idée est d’informer le plus grand nombre de la possibilité de financer des établissements privés à référence musulmane, très simplement, en toute légalité et sans que cela leur coûte quoique ce soit !!
Al-Kanz : Plus largement, envisagez-vous d’autres modes de financement de ce type ?
Al-Kindi : Oui, évidemment. Nous travaillons d’arrache-pied pour mettre au point d’autres sources de financement. C’est d’ailleurs en ce sens que notre équipe s’est doté d’un organisme moderne spécialisé dans la collecte des financements et la gestion de projets économiques : Al-Kindi Fd. Il s’agit d’un fonds de dotation créé pour financer le développement de l’enseignement confessionnel musulman en France et dont l’objectif est de nous permettre de construire dans la durée tout en cherchant de sources de financement à la fois pérennes et diversifiées. Le tout se trouve, je pense, résumé dans notre devise : « S’aider, pour ne jamais céder. »
Salam.
J’ajouterai que les chefs de petites entreprises doivent vérifier à quel organisme leur expert comptable verse cette taxe. Souvent ils versent à un seul organisme pour tous leurs clients. J’ai eu l’expérience avec mon EC qui versait cette taxe à un organisme qui était aux antipodes de mes valeurs . Il faut être sur ses gardes.
Salam
Fait !