Dylann Roof, jeune homme blanc de 21 ans, est l’auteur – il a reconnu les faits – d’une fusillade dans une église historique de la communauté noire américaine, dans la ville de Charleston en Caroline du Sud.
Homme blanc et terroriste, antinomie journalistique
Six femmes et trois hommes présents lors de l’office religieux y ont trouvé la mort, abattus de sang-froid. Ils étaient âgés de 26 à 87 ans. Ils étaient noirs. Ils sont morts parce qu’ils étaient noirs.
Les premiers témoignages ont permis de déterminer rapidement que le mobile de la tuerie est raciste. Les autorités américaines ont indiqué étudier les pistes du crime de haine et de l’« acte de terrorisme intérieur ».
Très vite après l’annonce du drame, des milliers de messages outre-Atlantique ont condamné, sur Twitter, ce racisme qui ronge l’Amérique, qui tue, mais qui aussi n’entend pas qualifier Dylan Roof comme il qualifia les poseurs de bombes de Boston. « White Privilege » : mot à mot, privilège de Blanc. Aux Etats-Unis comme en France, mille précautions sont prises lorsque l’auteur est de type caucasien.
De la haine comme expédient médiatique et politique
Aux Etats-Unis comme en France, des prédicateurs de haine, journalistes comme Ivan Rioufol, grassement payé par les impôts des bonnes gens – Le Figaro, où ce dernier, planqué, officie, touche près de 20 millions de subventions publiques par an –, ou politiques, comme Eric Ciotti, traqueur de jeunes femmes voilées et communautariste sélectif qui a fait de l’islamophobie un viatique au service de ses ambitions politiciennes, travaillent les consciences.
Ces derniers creusent les sillons de la haine avec une large complaisance des médias qui, dans le cas d’Eric Ciotti, multiplient les invitations sur les plateaux de télévision ou les stations de radio, sans jamais ou si rarement lui opposer un réel travail de journalisme.
L’insignifiant député du sud de la France, lui-même fils d’immigrés, fait de chacune de ses interviews une tribune contre les pas-Français, les trop-musulmans, les pas-assez-Blancs. Et les médias se repaissent de l’audimat que l’impétrant d’extrême droite leur offre, faisant peu de cas sur les conséquences désastreuses de telles pratiques sur la société.
Quand Twitter impose les termes du débat
Il est très intéressant de constater que le problème soulevé aux USA sur le traitement médiatique et politique de tels événements est en tout point identique dans l’Hexagone, et au-delà en Europe. Nous constatons même depuis quelques mois une réelle évolution. Depuis plusieurs années, le débat autour de l’absolution accordée aux terroristes, aux policiers coupables de meurtre, etc., de type caucasien, ne débordait pas les minorités concernées – subsumées sous le vocable aussi poli que détestable de « diversité ».
Gardez vos définitions de terroriste. Merah était appelé "tueur en scooter" jusqu'à ce que l'on sache qu'il s'appelle Mohamed. #Charleston
— GuedGued (@_Pourquoi) 18 Juin 2015
Aujourd’hui, grâce à Twitter, un point de bascule semble se profiler. Très présents sur le réseau social au petit oiseau bleu, journalistes et politiques ne peuvent plus ignorer la société civile, qui a désormais la possibilité d’imposer les termes du débat. Conséquence directe : il n’est plus possible à une rédaction ou à un homme politique de se répandre impunément, sans a minima être épinglé publiquement sur les réseaux sociaux. C’est ainsi que régulièrement des titres d’articles, sont amendés.
Dernier exemple en date, un article publié sur le site Web de France Inter, dont le titre fut initialement le suivant : « États-Unis : un forcené tue neuf personnes dans une église », comme on le constate sur la capture d’écran suivante :
Capture d’écran du compte Google+ de France Inter
Titre modifié peu après la publication de l’article.
L’URL, qui n’a pas été modifiée, contient le titre initial :
http://www.franceinter.fr/depeche-etats-unis-un-forcene-tue-neuf-personnes-dans-une-eglise
Fait remarquable et salutaire, Olivier Bénis, journaliste à l’origine du titre, explique et s’explique sur Twitter dans une série de tweets, dont nous vous livrons ci-après la quasi-intégralité. Nous avons omis volontairement quelques illustrations, sans que cela n’obère le propos.
Attention, sérieux flood à venir par ici. Je vais l'intituler : "Sur Twitter, le terroriste-forcené blanc prend en otage un journaliste".
— Olivier Bénis (@OlivierBenis) 19 Juin 2015
J'aurais pu le faire plus tôt mais j'ai pas eu le temps et je ne voulais pas faire genre "le mec qui tente d'éteindre le bad buzz".
— Olivier Bénis (@OlivierBenis) 19 Juin 2015
Commençons par un coming-out : ce titre que vous avez vu partout sur Twitter, "Un forcené tue neuf personnes" ? C'est moi qui l'ai écrit.
— Olivier Bénis (@OlivierBenis) 19 Juin 2015
Il a eu une existence très courte, d'ailleurs. Un peu moins d'1h, le temps que je le change. On verra pourquoi dans quelques tweets.
— Olivier Bénis (@OlivierBenis) 19 Juin 2015
Rassurez-vous, je ne suis pas là pour vous dire que j'en suis fier, ou nier le fait que le terme était maladroit. C'était le cas.
— Olivier Bénis (@OlivierBenis) 19 Juin 2015
Mais je vais quand même vous raconter la petit histoire de ce titre et du buzz qu'il a engendré, vu qu'il y a pas mal d'ironie dans tout ça.
— Olivier Bénis (@OlivierBenis) 19 Juin 2015
Il est 6h du matin, tu es journaliste et tu arrives au taf. Le premier truc que tu vois, c'est un carnage dans une église américaine.
— Olivier Bénis (@OlivierBenis) 19 Juin 2015
Ça rappelle plein d'autres choses, parce des tueries de masse dans ce pays, il y en a un bon paquet. Pour plein de raisons différentes.
— Olivier Bénis (@OlivierBenis) 19 Juin 2015
Non, mais presque. La présomption d'attentat raciste est dans un coin de ma tête. Mais je ne suis pas là pour écrire tout ce qui s'y trouve.
— Olivier Bénis (@OlivierBenis) 19 Juin 2015
Donc à 6h, oui, j'écris "un forcené". Ça ne veut pas dire que j'exclus définitivement le terme "terroriste" ou "attentat", remarquez.
— Olivier Bénis (@OlivierBenis) 19 Juin 2015
Juste qu'à cette heure, je pars du principe qu'un type qui entre dans une église pour tirer sur des gens, c'est (a minima) un forcené.
— Olivier Bénis (@OlivierBenis) 19 Juin 2015
En revanche, oui, quand on a des précisions, quand la police donne le motif de la tuerie, là OK, ça devient "officiellement" un attentat.
— Olivier Bénis (@OlivierBenis) 19 Juin 2015
Ou en tout cas, une "attaque raciste", c'est le terme que j'utilise pour remplacer "forcené" quand on me le signale.
— Olivier Bénis (@OlivierBenis) 19 Juin 2015
Parce que oui, vous avez raison, et je m'en rends compte pas si longtemps après la publication, dire "forcené", c'est une connerie.
— Olivier Bénis (@OlivierBenis) 19 Juin 2015
Donc je modifie l'article rapidement (sans savoir qu'un petit malin en a déjà fait une capture pour lancer la grande machine à buzz).
— Olivier Bénis (@OlivierBenis) 19 Juin 2015
Bref, après une intense réflexion de travail collective avec mon équipe (constituée à cette heure matinale de moi-même), je corrige.
— Olivier Bénis (@OlivierBenis) 19 Juin 2015
Je change mon titre, j'ajoute "attaque", "raciste", et "attentat". Pas (encore) "terroriste", parce qu'on ne sait rien sur le suspect.
— Olivier Bénis (@OlivierBenis) 19 Juin 2015
Pour moi "terroriste", ça sous-entend "préparation", "organisation", "groupe", "revendication". Bon, c'est sujet à débat.
— Olivier Bénis (@OlivierBenis) 19 Juin 2015
Il est désormais 6h30 du matin, j'ai l'impression qu'il me manque trop d'éléments pour balancer ce genre d'accusation.
— Olivier Bénis (@OlivierBenis) 19 Juin 2015
Je n'écris pas "assassin" non plus : juridiquement ça sous-entend une préméditation. Et là encore, je n'en sais rien, de ses motivations.
— Olivier Bénis (@OlivierBenis) 19 Juin 2015
Ça veut pas dire que j'écarte définitivement ces termes, hein. Juste que bon, j'avance à petits pas pour tout ce qui touche à la justice.
— Olivier Bénis (@OlivierBenis) 19 Juin 2015
Parce que j'ai fait du droit, parce que la présomption d'innocence c'est un truc que je trouve important. Une conviction déonto personnelle.
— Olivier Bénis (@OlivierBenis) 19 Juin 2015
Et on en arrive au coeur du problème : "Ah oui mais vous les journalistes, vous prenez pas autant de pincettes quand c'est un musulman".
— Olivier Bénis (@OlivierBenis) 19 Juin 2015
Alleluiah, je suis à 200 % d'accord avec vous, c'est insupportable ces raccourcis récurrents. Vous la voyez venir, l'ironie susmentionnée ?
— Olivier Bénis (@OlivierBenis) 19 Juin 2015
Vous me direz aussi : "Dès que le suspect a un nom qui 'sonne djihadiste' vous lui collez l'étiquette de terroriste". C'est pas faux.
— Olivier Bénis (@OlivierBenis) 19 Juin 2015
Juste qu'on ESSAIE de faire le maximum pour ne pas tomber dans ce genre de travers caricaturaux qui reviennent trop souvent.
— Olivier Bénis (@OlivierBenis) 19 Juin 2015
Parce qu'encore une fois, j'aime pas ce mot "terroriste", j'aime pas qu'on l'utilise presque automatiquement pour une série de meurtres.
— Olivier Bénis (@OlivierBenis) 19 Juin 2015
Ça peut se contester, hein. Vous avez parfaitement le droit de considérer que le mot "terroriste" correspond dès 6h du matin à Charleston.
— Olivier Bénis (@OlivierBenis) 19 Juin 2015
C'est en partie ce que je pense aussi d'ailleurs. La preuve, les modifications que j'ai apportées à l'article quelques minutes après.
— Olivier Bénis (@OlivierBenis) 19 Juin 2015
Ou la réponse que je fais quand on me fait remarquer mon approximation. https://t.co/n7fks6uPe0
https://t.co/14uqJqo467
— Olivier Bénis (@OlivierBenis) 19 Juin 2015
Je dis juste qu'il faut une même règle éditoriale pour TOUS. Soit on parle systématiquement de terroriste, soit on fait TOUJOURS attention.
— Olivier Bénis (@OlivierBenis) 19 Juin 2015
Et ce, dans toutes les situations qui peuvent se présenter, avec un tireur blanc, noir, musulman, athée, ou templier.
— Olivier Bénis (@OlivierBenis) 19 Juin 2015
Et à titre perso, je trouve ça mieux de s'orienter vers plus de respect de la présomption d'innocence que vers "tous présumés terroristes".
— Olivier Bénis (@OlivierBenis) 19 Juin 2015
En même temps, ça me fait plaisir aussi que ça relance le débat sur les "termes". Il est nécessaire et il faut qu'il revienne régulièrement.
— Olivier Bénis (@OlivierBenis) 19 Juin 2015
Parce qu'il y a du boulot, et que je comprends qu'on n'ait pas le temps de décrypter qui est de bonne/mauvaise foi dans tout ça.
— Olivier Bénis (@OlivierBenis) 19 Juin 2015
Pour lire l’intégralité des tweets du journaliste Oliver Benis, cliquez sur le lien suivant pour commencer par le premier tweet. Il vous suffira ensuite de lire les tweets qui ont suivi : « +Forcené+ – Olivier Bénis s’explique »
J’aime bcp ce tweet, c’est tellement vrai!
Gardez vos définitions de terroriste. Merah était appelé « tueur en scooter » jusqu’à ce que l’on sache qu’il s’appelle Mohamed. #Charleston
— GuedGued (@_Pourquoi) 18 Juin 2015
Salam alaykoum
Quelle est la différence entre Sid Ahmed Ghlam qui est inculpé pour avoir voulu tuer des chrétiens dans une église de Villejuif (France) et médiatiquement qualifié de terroriste et ce type, Dylann Roof qui a tué 9 personnes dans une église de Charleston (USA) ?
Ils doivent être nommé de la même manière.
Quand on lit que le co-pilote qui a volontairement lancé son avion contre un montagne tuant 149 personnes est aussi qualifié de « forcené » et qu’une enquête est ouverte par trois juges de Marseille concernant L’ACCIDENT, c’est dingue quand même !!! ACCIDENT SOUBHAN’ALLAH
Que dieu nous guide mes chère amie….
Comme un journaliste (Hubert Huertas) à si bien dit définissant le traitement actuel de l’actu par les journalistes et média:
» mieux vaut une connerie d’avance, qu’une info de retard ».