Entre la mosquée de Paris et la Société française de contrôle de viande halal (SFCVH), son partenaire certificateur, la guerre est déclarée ; et elle s’annonce violente, puisque d’ores et déjà rendue publique. Le halal, et ses gros sous, comme le hajj, sont deux sujets qui ont toujours été traités avec la plus grande discrétion au sein de la mosquée de Paris. Deux sujets tabous que l’on répugne à traiter sur la place publique. Exception faite aujourd’hui.
Une rupture violente
L’affaire ne manque pas de piquant. Début novembre, Dalil Boukakeur, recteur de la mosquée de Paris, se fend d’une lettre cinglante, dans laquelle il rappelle qu’il est le « seul et unique détenteur et responsable de la certification du logo halal en [sa] qualité de recteur de l’institut musulman de la mosquée de Paris et président de la société des habous et des lieux saints de l’islam ». Ou comment signifier que son partenaire certificateur, la SFCVH, ne peut plus jouir du sésame qui lui a ouvert un vaste marché dans le halal alimentaire.
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A ce rappel s’ajoutent les menaces : « Toute utilisation malveillante de ma qualité, de ma signature ou du logo est illégale et susceptible de poursuites judiciaires », juge bon de préciser le recteur.
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En clair, si Carrefour, Fleury Michon, Vanobel et autres industriels apposent sur leur emballage ledit logo, des poursuites seraient engagées. Quid des produits déjà estampillés et en rayon, des stocks par encore mis sur le marché, des dizaines de milliers d’emballage imprimés, etc. ? Les pertes à venir sont considérables, sans parler de la crise qui couve et qui pourrait sérieusement ternir l’image des industriels. Mais l’affaire ne s’arrête pas là.
En finir définitivement avec la SFCVH
Une seconde lettre, signée Cheikh Al Sid Cheikh, cadre incontournable de la mosquée de Paris, a été envoyée à l’ensemble des industriels en contrat avec la SFCVH. Le propos est cinglant, le contenu accablant.
La lettre a pour objet « la certification halal », plus précisément « la collaboration dans le domaine du halal et l’utilisation d’un logo » accordé à la SFCVH, qui « aurait été diffusé auprès d’industriels par le groupe susnommé. » Dès les premières lignes, la mosquée de Paris prend ses distances d’avec son certificateur ; pour ensuite évoquer les risques majeurs qu’encourent les industriels à ne pas l’entendre.
Car c’est bien là tout l’enjeu : discréditer totalement la SFCVH auprès de ces derniers pour l’écarter à jamais de la certification. Sûr de lui, Cheikh Al Sid Cheikh étaye ses accusations : « un audit interne, durant le second semestre 2014, nous a permis de constater un manquement réel de la [SFCVH] quant à l’exécution des termes de nos conditions, préalablement acceptées. »
Les choses se gâtent.
Des « éléments probants » contre la SFCVH
La seconde partie de la lettre consomme la rupture. La mosquée de Paris disposerait « d’éléments probants relevés au niveau national et international » attestant d’une « autre configuration d’application de la certification halal en [son] nom et avec [son] logo » ; éléments qu’elle se garde d’exposer pour le moment.
La certification de la SFCVH serait ainsi « contradictoire » aux « recommandations » de la mosquée de Paris, de [ses] exigences et celles des consommateurs ». Ou comment dire sans le dire que les produits Carrefour, Fleury Michon, Shems, Vanobel, etc. ne sont pas halal.
Ce constat aurait été « vérifié » lors d’une réunion avec le gérant de la SFCVH contre qui la mosquée de Paris n’a pas de mots assez durs : « commentaires insuffisants et incohérents », « absence de ses engagements », « maladresse du gérant », « préjudices commis », « lourdes fautes commises volontairement », « très grave entorse à la mission confiée à la SFCVH » », malfaisances à la certification halal ».
Par conséquent, « une coopération ou toutes autres formes de rapprochement avec la Société française de contrôle de viande halal est donc désormais inenvisageable. »
La messe est dite. Ou presque, puisque, avant de conclure, Cheikh Al Sid Cheikh enfonce le clou : « l’honnêteté et la sincérité de la société française de contrôle de la viande halal » ont « définitivement » perdu la confiance de la mosquée de Paris.
Il est à noter que la mosquée de Paris n’indique à aucun moment vouloir en finir avec la certification. Elle souhaite éconduire la SFCVH. Pour un autre prétendant ? L’avenir proche nous le dira.
Découvrez dans son intégralité la lettre accablante de la mosquée de Paris contre la SFCVH : Halal : Lettre de la mosquée de Paris aux industriels (contre la SFCVH).