spot_img
- Publicité -spot_imgspot_img

Ramadan : pour un iftar éthique également dans les mosquées

Dans la même catégorie

Après deux années perturbées par le coronavirus, les mosquées de France ont renoué avec une tradition désormais bien ancrée : tous les soirs, le repas de rupture du jeûne, l’iftar, est gracieusement offert à qui souhaite en profiter. On s’attable autour de plats cuisinés sur place, lorsque la mosquée est équipée, ou apportés par des fidèles. Sans que l’on s’interroge sur des dérives contraire à l’esprit de ramadan (trop plein de nourriture, malbouffe, gaspillage, etc.) ni même à l’impact délétère sur la spiritualité, cruciale en ce mois.

Mois de tempérance, de modération et d’ascèse, ramadan est pourtant trop souvent le soir venu un mois d’outrance et de débauche de nourriture : trop de tables débordent de toutes parts au sens propre comme au sens figuré ; ce jusque dans les mosquées qui offrent l’iftar (repas de rupture du jeûne).

Iftar offert à la mosquée

Longtemps en France, l’iftar se prenait quasi-exclusivement à la maison. Dans les grandes villes, quelques restaurants traditionnels servaient chorba et harira à des habitués, souvent célibataires ou étudiants.

A de rares exceptions près, les mosquées n’organisaient pas l’iftar. Quelques bonnes âmes apportaient spontanément des dattes, d’autres des packs d’eau et de lait. A l’instant même où le muezzin déclamait l’adhan, l’appel à la prière, les fidèles rompaient leur jeûne, qui avec une datte, qui avec un verre de lait, qui encore en avalant une gorgée d’eau.

A la fin des années 1990 et au début des années 2000, à la faveur d’Internet et de la construction de nouvelles mosquées, plus grandes, plus adaptées et mieux équipées, l’idée de proposer quotidiennement l’iftar fit son son chemin à travers l’Hexagone, pour in fine s’installer définitivement.

Aujourd’hui, rompre son jeûne à la mosquée en compagnie d’autres jeûneurs n’a plus rien d’exceptionnel. Partout en France, tous les soirs de ramadan, après la prière du maghrib le couvert est offert. Du Nord au Sud, de l’Est à l’Ouest, les mosquées assument aussi leur fonction sociale : lieux de partage, de convivialité et de solidarité, elles permettent à ceux qui le souhaitent de profiter d’un repas en commun.

Lire – Ramadan : et si nous nous préparions à un jeûne sans sodas ni sucreries ?

Il n’est d’ailleurs désormais plus rare de voir des non-musulmans attablés au côté de fidèles musulmans. Qu’il s’agisse d’étudiants, de célibataires, de sans-abris ou encore de personnes présentes simplement parce que le repas est offert, l’iftar à la mosquée est bel et bien ancré dans le quotidien des musulmans et au-delà.

Ramadan post-Covid, revenir à la modération prophétique

2020 et 2021 sont des années marquées d’une pierre blanche. Les mosquées, comme l’ensemble des lieux de culte, n’ont pas échappé aux restrictions liées à la pandémie de Covid-19 : pas de prières collectives pendant le mois de ramadan, pas de tarawih, le soir après l’isha (cinquième et dernière prière obligatoire de la journée), pas de rassemblement et donc pas non plus d’iftar en commun.

Ramadan en 2022 a vu le retour des prières collectives — si prisées en ce mois béni — et celui des repas de rupture du jeûne. On aurait pu imaginer, à la faveur du chamboulement tous azimuts provoqué par deux ans de pandémie mondiale, que notre éthique, celle enseignée par le Prophète ﷺ, pénètrât dès lors aussi notre alimentation ? Cette éthique, rappelons-la avec le hadith suivant.

« Le fils d’Adam [c’est-à-dire l’être humain] ne remplit pas un récipient pire que son ventre. Que le fils d’Adam se contente du strict nécessaire. S’il le doit absolument, qu’il réserve un tiers à la nourriture, un tiers à la boisson et un tiers à la respiration. »
Sens du hadith rapporté par l’imam At-Tirmidhi et l’imam Ibn Madja

Réserver un tiers de notre estomac « à la nourriture, un tiers à la boisson et un tiers à la respiration », est-ce bien la règle que nous appliquons lors de nos repas, pendant et en-dehors de ramadan ? Non, nous le savons tous. Lors de l’iftar, les tables débordent de plats, toujours plus nombreux. L’eau est parfois absente, remplacée pas des boissons gazeuses saturées de sucre, tous comme les desserts dont on se gave en seconde partie de soirée. Nous ne mangeons pas, nous remplissons, de la pire des manières, notre ventre. Jusqu’à quand ?

Et si les iftars à la mosquée était l’occasion du changement ? N’est-elle pas le lieu par excellence où les commandements divins et prophétiques doivent être appliqués et le dernier endroit où les fidèles peuvent contrevenir aux enseignements de l’islam ? Pourquoi ferait-on exception s’agissant de notre façon de nous nourrir ?

Le mois de ramadan doit demeurer l’occasion où l’on réussit à réprimer ses instincts primaires pour éduquer et élever son âme aussi au moment des repas de rupture du jeûne. L’alimentation ne doit plus être la grande oubliée de notre éducation spirituelle. S’abstenir de boire et de manger avec force courage durant seize, dix-sept, dix-huit heures pour se goinfrer une fois la nuit tombée n’est pas ce qui est attendu de nous. Plus encore lorsque ces excès ont un impact immédiat et concret sur nos actes d’adoration, et donc notre spiritualité ? Qui ne s’est jamais senti incapable de participer aux prières nocturnes de tarawih, parce que plein comme un tonneau ?

C’est là où la mosquée peut jouer un rôle significatif. D’abord avec les imams, qui dans leurs sermons et les conférences durant tout le mois de ramadan, savent rappeler les règles de bienséance en matière d’alimentation. Ensuite avec les responsables du lieu de culte, dans l’organisation des iftars. On peut pour commencer appliquer des règles simples, comme le refus de servir boissons gazeuses et pâtisseries. Ce serait un premier pas non négligeable. Enfin avec les fidèles eux-mêmes qui ont aussi un rôle à jouer, en évitant en premier lieu d’apporter spontanément, sans consultation préalable, des plats à la mosquée.

On pourrait aller plus loin en imaginant des menus pensés à l’avance, tout à la fois diététiques et appétissants (il faut évidemment que les iftars restent un moment de plaisir). Les pistes sont nombreuses. Ce qui importe définitivement, c’est de se dire une bonne fois pour toute qu’il n’est plus possible d’oublier notre éthique, la parole prophétique, les commandements de Dieu, une fois la table servie.

Notre prudence à l’égard de notre alimentation, qui ne s’arrêtera pas à la seule question du gaspillage — les maladies de civilisation que sont obésité, cancer, diabète, etc., disent l’urgence de nous (re)prendre en main —, ne pourra que nous être bénéfique physiologiquement et spirituellement, individuellement et collectivement.

Ramadan 2023 – 1443 débute dans une huitaine de jours in sha’a-Llah, aux alentours du 23 mars prochain.

- Publicité -spot_img

Plus d'articles

LAISSER UN COMMENTAIRE

S'il vous plaît entrez votre commentaire!
S'il vous plaît entrez votre nom ici

- Publicité -spot_img

Derniers articles

OK, je soutiens
Non, merci