On croyait Nicolas Sarkozy retiré de la politique. Il n’en est rien. L’ex-président de la République est revenu sur le devant dans la scène hier soir… dans le discours de l’actuel président, Emmanuel Macron.
Nicolas Sarkozy cru 2010, cuvée Identité nationale, immigration et islamophobie… ah non ! on dit « laïcité ». On dit même « laïcité bousculée » et « modes de vie qui créent des barrières, de la distance ». Nicolas Macron, Emmanuel Sarkozy.
En Macronie, on est plus fin qu’en Sarkozie. On préfère les périphrases, dire les choses sans les dire, tourner autour du pot. On préfère le poison inodore au Kärcher brutal.
Chez Macron soudainement, on méprise aussi bien que chez Sarkozy bien trop les Français pour entendre leurs souffrances, leurs attentes, leurs revendications sans essayer de faire diversion et de les tromper en pointant des boucs émissaires si commodes : les étrangers et les musulmans.
« Ce sont quarante années de malaise qui ressurgissent : malaise des travailleurs qui ne s’y retrouvent plus ; malaise des territoires, villages comme quartiers où on voit les services publics se réduire et le cadre de vie disparaître ; malaise démocratique où se développe le sentiment de ne pas être entendu ; malaise face aux changements de notre société, à une laïcité bousculée et devant des modes de vie qui créent des barrières, de la distance.
Je veux aussi que nous mettions d’accord la Nation avec elle-même sur ce qu’est son identité profonde, que nous abordions la question de l’immigration. Il nous faut l’affronter.
Ces changements de fond qui demandent une réflexion profonde et partagée, imposent un débat sans précédent. Il devra se dérouler au niveau national dans nos institutions, chacun y aura sa part : gouvernement, assemblées, partenaires sociaux et associatifs ; vous y aurez votre part. Je veux en assurer moi-même la coordination, en recevoir les avis, prendre ainsi le pouls vivant de notre pays. »
Emmanuel Macron, allocution télévisée du lundi 10 décembre 2018, 20h.
Depuis le 17 novembre dernier, le mouvement des Gilets jaunes n’a eu de cesse de signifier au président de la République sur toutes les chaînes de télévision, dans la presse, sur Facebook, Twitter, lors des manifestations et bien évidemment sur les ronds-points, que ses revendications portent sur le pouvoir d’achat et les difficultés à boucler les fins de mois. Cette lutte est sociale.
Les velléités de l’extrême droite de récupérer le mouvement et d’y introduire une dose de xénophobie et d’islamophobie ont échoué. Tout comme les déclarations complotistes de la gauche FN, prétendument laïque, dénonçant la main cachée des Frères musulmans derrière casseurs et émeutes.
Cette misérable tentative d’Emmanuel Macron de détourner l’attention des Français en général, des Gilets jaunes en particulier, n’a pas échappé à de nombreux internautes qui n’ont pas manqué de dire leur indignation sur Twitter.
Alors que par miracle les Gilets Jaunes l’avaient laissée de côté, l’histoire retiendra que c’est Emmanuel Macron qui a remis ce soir la question de « l’identité profonde » de la France à l’ordre du jour, en choisissant de manière irresponsable de la lier à celle de l’immigration
— Sylvain Bourmeau (@bourmeau) 10 décembre 2018
Le même jeu que tous ses prédécesseurs. Depuis les années 70 le péril immigré-étranger-musulman sert à étouffer les contestations sociales tout en amplifiant le niveau du racisme dans ce pays https://t.co/3ct1lxfcdZ Pas sur que le gilet jaune soit soluble dans le croissant vert
— Marwan Mohammed (@marwanormalzup) 11 décembre 2018
Immigration et identité profonde de la nation: Emmanuel Macron tente une diversion, empruntée à Nicolas Sarkozy. La xénophobie, instrument au service des politiques néolibérales. https://t.co/mUHkf3rfZv
— Eric Fassin (@EricFassin) 11 décembre 2018
Parler de laïcité « bafouée », d’identité nationale et d’immigration, c’est sciemment allumer un incendie et crier ensuite « Au feu! ». Impardonnable. Cela faisait un mois que ces mots avaient disparu des discours politiques et médiatiques. #macron20H
— Philippe Marlière (@PhMarliere) 10 décembre 2018
Et maintenant ? Bien des Gilets jaunes sont déterminés à poursuivre leur mouvement. L’acte V de la contestation se profile. Faut-il s’attendre à une seconde allocution d’Emmanuel Macron qui oserait, comme Nicolas Sarkozy ce 5 mars 2012 sur i-Télé (aujourd’hui CNews), expliquer solennellement à quelques semaines de l’élection présidentielle que « le premier sujet de préoccupation, de discussion des Français, […] c’est cette question de la viande halal.”
Possible.