Jeudi 3 octobre, Mickaël Harpon, agent administratif à la préfecture de police de Paris, tue quatre de ses collègues et en blesse deux autres.
Que l’auteur soit musulman, voeu des islamophobes
Cette tuerie a provoqué à juste titre horreur et sidération. Comme toujours, les islamophobes de tout poil ont immédiatement dénoncé un attentat perpétré par un musulman avant même de connaître les premiers éléments de l’enquête. Sur les réseaux sociaux, celles et ceux qui ont appelé à la retenue et au respect des victimes et de leur famille ont été conspués et vilipendés.
Soit. C’est là une constante. La fachosphère comme la gauche FN espèrent capitaliser sur un tel drame pour s’en prendre aux musulmans.
Après quelques heures, l’information tombe : Mickaël Harpon s’est converti à l’islam il y a 18 mois. Il n’en fallait pas moins pour que des rédactions, qui ont fait de la haine du musulman un relais de croissance, s’en donnent à coeur joie.
Criminaliser l’islam, non le terrorisme
Ainsi a-t-on pu lire dans Le Figaro ce qui suit : « Jean-Paul Mazoyer, témoigne, lui, qu’il voyait Mickaël Harpon le matin très tôt en djellaba (sic) se rendre à la mosquée pour prier ».
Fallait-il dissimuler la conversion à l’islam de Mickaël Harpon ? Non. Faut-il s’abstenir d’étudier la piste du terrorisme à la Daesh ? Non. Peut-on envisager que le tueur a commis un attentat selon lui au nom de l’islam ? Non plus. Peut-on penser que des musulmans, français ou résidents, peuvent commettre des attentats en France ? Assurément.
Même si, selon les enquêteurs de la Brigade criminelle, Mickaël Harpon a eu un “comportement inhabituel et agité”, a « entendu des voix » et fut « incohérent » dans la nuit de mercredi à jeudi, même si un différent l’opposait à sa hiérarchie, la piste terroriste ne doit pas être écartée.
Bref. Après les attentats que notre pays a connu et les menaces maintes fois répétées des terroristes de Daesh visant directement la France, il serait pure folie de négliger une telle piste. Répétons-le encore une fois : oui, un musulman peut être terroriste.
Pour autant, ce à quoi l’on assiste depuis jeudi est effrayant. La citation ci-avant tirée du Figaro résume la dérive à laquelle nous assistons : ce n’est pas le terrorisme qui est visé par certains médias et politiques, mais bien l’islam et sa pratique.
La simple pratique de l’islam devient une preuve à charge
En matière de terrorisme, on s’attend à ce que les informations rendues publiques révèlent par exemple une affiliation avérée avec un groupe terroriste, une vidéo d’allégeance à Daesh, une lettre de revendication explicite, etc.
Dans le cas de Mickaël Harpon, on apprend plutôt :
– qu’il a dit « Allahu Akbar ». « Allahu Akbar » est une expression prononcée plusieurs fois par jour. Lors de l’appel à la prière (adhan) – cf. la vidéo ci-dessous –, juste avant la prière en congrégation lors de l’(iqama), pendant chaque prière, après la prière lors des invocations. Soit plusieurs centaines de fois par jour, sans compter lorsque cette formule est utilisée comme une interjection dans moments forts (joie, malheur, stupeur…) tant par les musulmans pratiquants que par les non-pratiquants.
– qu’il se rend à la mosquée en « djellaba » (sic). Là encore, banalité extrêmement répandue chez tous les musulmans de la planète. La raison est simple : on porte un qamis – ou des vêtements larges – lorsque l’on est en prière et que donc l’on s’adresse à Dieu dans un souci de pudeur. En se vêtant de la sorte, on dissimule ses formes .
– qu’il va « le matin très tôt la mosquée pour prier » : autre banalité ancrée dans la pratique des musulmans du monde entier, comme du reste chez les juifs et les chrétiens qui se rendent tôt, voire très tôt, les uns à la yeshiva les autres à l’église. D’ailleurs, à l’occasion du mois de ramadan, les articles et les reportages consacrés au mois de jeûne font systématiquement référence à la prière d’avant l’aube (subh sur l’image ci-dessous). Partout en France, tous les matins des milliers de fidèles se rendent à la mosquée pour y prier. Début septembre, à Gonesse, ville où vivait Mickäel Harpon, le subh se prie aux alentours de 5h30 ; en juin à 3h50.
Tout cela est banal, anodin. Pourtant, des rédactions n’ont de cesse de dresser à partir de ces éléments le portrait du parfait terroriste : pratiquer l’islam est signe de radicalisation, preuve d’une « vision salafiste » de l’islam.
Qu’est-ce à dire sinon qu’il s’agit en l’espèce de démontrer que le tueur était musulman ? Dire « Allahu Akbar », porter un qamis, prier le subh à la mosquée deviennent des preuves à charge : il était musulman, donc il est terroriste. Quoi de mieux pour servir d’une part la cause de Daesh et consorts d’autre part des islamophobes forcenés qui rêvent au mieux d’une « remigration » au pire d’une extermination des musulmans.
Sur certaines chaînes d info permanente c est un défilé aussi permanent d invités qui tiennent un discours anti musulmans tous suspects de complicité avec le terrorisme .Le tout en se plaignant » on ne peut plus rien dire »C est la nouvelle Libre Parole
— Pascal Boniface (@PascalBoniface) October 6, 2019
Cette criminalisation est effrayante à double titre :
– elle façonne dangereusement l’opinion publique qui finit par considérer que tout musulman est par essence un terroriste.
– elle sabote la lutte contre le terrorisme en ce qu’elle la détourne de ses propres enjeux pour la concentrer sur des individus sans rapport avec ladite lutte.