Souvenez-vous. Le 31 juillet dernier, l’une des agences de voyage les plus en vue du moment, Tawhid Travel, annonçait, à dix jours du hajj, ne plus être en mesure d’organiser le pèlerinage.
Des agences non agréées
Catastrophe pour plusieurs centaines de futurs pèlerins qui virent le rêve d’une vie rendu soudainement impossible, à l’instar de quelques autres milliers de musulmans, clients d’une dizaine d’autres agences de voyage et mosquées.
Point commun de toutes les structures organisatrices du hajj incapables, cette année, d’honorer leur engagement : aucune n’était elle-même agréée par l’Arabie saoudite, en théorie condition sine qua non pour pouvoir proposer des pèlerinages à La Mecque et sur les lieux saints de l’islam.
Lire – Eviter les arnaques au hajj : bien choisir son agence de voyage
Cette année, ces organisateurs comptaient sur l’agence Amen Voyage International pour obtenir en seconde main les visas… que ce très gros acteur du secteur n’avait pas. L’Arabie saoudite ne lui a pas délivré cette année les quelque 3 000 sésames.
Entre pari risqué et dissimulation
Soyons clair : la dizaine d’agences ou mosquées concernées que nous avons recensées ont joué avec le feu. Toute la question aujourd’hui est de savoir dans quelle mesure les futurs pèlerins étaient informés de la situation.
Savaient-ils que leur agence ne disposait pas elle-même des visas et qu’il demeurait un risque pour que le hajj n’ait pas lieu ? Un pèlerin peut tout à fait décider en connaissance de cause, en adulte consentant, de partir au hajj avec une agence non agréée, à condition qu’on lui ait très clairement expliqué que c’est un pari et donc qu’il risque aussi de ne pas pouvoir accomplir son hajj.
A contrario, si, laissant croire à leurs clients que l’achat d’un pack hajj leur garantissait d’accomplir leur pèlerinage, les organisateurs ont dissimulé cette inconnue, – ce qui semble être pour presque toutes les agences et mosquées incriminées cette année plutôt le cas –, la donne est bien différente.
Il y a là, comme l’écrivait cet été la journaliste du Monde Cécile Chambraud, « toutes les caractéristiques sinon d’une escroquerie, du moins d’une pratique commerciale trompeuse accompagnée de multiples manquements à la réglementation ».
Lire – Voyage à La Mecque : de nombreux pèlerins dupés par des agences de voyages
Et Cécile Chambraud de demander : « Quand ces agences ont-elles su qu’elles avaient perdu leur agrément ? Ont-elles prévenu leurs +apporteurs d’affaires+ et si oui, quand ? Ces intermédiaires l’ont-ils caché à leurs clients ? »
Ces questions, et bien d’autres, ne resteront pas lettre morte, puisque plusieurs plaintes ont été déposées, certaines contre Tawhid Travel, au moins une autre contre une agence du sud de la France. Nous vous en parlerons très prochainement.
Des clients en attente d’être remboursés
S’agissant de l’agence Tawhid Travel, ses dirigeants ont envoyé samedi 30 novembre un mail à leurs clients, « après un silence volontaire dans [leur] communication dans le seul et unique but de gérer au mieux les démarches administratives et judiciaires » (dixit).
Regrettant de n’avoir « pu récupérer toutes les sommes avancées auprès de leurs prestataires », ils indiquent n’avoir pas « d’autres choix que de déposer le bilan et de se mettre en liquidation » et invitent leurs clients à « saisir l’APST [l’association professionnelle de solidarité du tourisme, NDLR] ainsi que [leur] liquidateur par voie de lettre recommandée avec tous les justificatifs de [leurs] relations contractuelles ».
Il n’est pas certain que ces démarches qui s’annoncent laborieuses calment la colère de nombre de clients très remontés. Pour autant, il semblerait que l’APST assurera le remboursement que Tawhid Travel n’a pas réussi à obtenir « à l’amiable ». Mais quid des milliers de clients ayant choisi la dizaine d’autres structures ? Devront-ils faire une croix sur 5 000, 6 000, 12 000 euros engagés pour un couple, voire 20 000 euros pour ce père de famille qui comptait partir avec sa femme et sa mère ?
Ajoutons qu’au-delà de l’argent, du choc psychologique aux conséquences délétères dans des familles qui aujourd’hui se déchirent, cette énième affaire a fait et continue de faire beaucoup de dégâts. Dans nombre de cas, parler de traumatisme n’est malheureusement en rien excessif.