Entreprendre. Ingénieur informatique de formation, Ali Zouina, 41 ans, a choisi d’être son propre patron. Une première fois, puis une seconde avec son restaurant French Touch, qu’il a réussi a faire connaître grâce à une maîtrise des réseaux sociaux et une inventivité, entre jeux de mots et humour potache. Interview.
Al-Kanz : Que faisait le patron de French Touch avant de lancer son restaurant ?
Ali Zouina : J’avais repris mon poste initial d’ingénieur en informatique après m’être séparé d’un petit restaurant lancé à Puteaux, dans les Hauts-de-Seine (92).
Al-Kanz : Lancer un restaurant de burgers bio et halal certifié AVS, c’est multiplier les contraintes. Le pari était plutôt risqué, non ? Pourquoi ce choix pour le moins audacieux ?
Ali Zouina : Dans tout ce que je fais, j’essaye de m’inscrire dans une démarche où la qualité est le point de départ, la base du projet. A partir de là, je m’étais imposé de travailler uniquement des viandes et des fromages qui répondent à un label et de favoriser les produits français pour des raisons de tracabilité et de cohérence avec le nom et l’esprit de l’enseigne. Le décor était fixé, il ne restait plus qu’à trouver les bons partenaires. Au détour d’une discussion sur mon projet, un ami me parle d’un fournisseur qui se lance dans la viande française bio et certifié AVS [A votre service, organisme de certification et de contrôle halal, NDLR]… Que demande le peuple français (d’origine maghrébine) ? La qualité et la traçabilité étaient réunies pour la viande. Il restait la question de la certification du restaurant. En tant que consommateur, je ne suis pas adepte du « AVS only », je m’écarte des pseudo-certifications et des origines folkloriques, dont je tairai le nom. Mais en tant que restaurateur, ma responsabilité est de fournir à mes clients un gage de sérieux dans le contrôle et la vérification du mode d’abattage. J’ai alors contacté AVS qui m’ont présenté leur travail. J’ai été séduit par la multiplication des vérifications, de la chaîne d’abattage jusqu’au consommateur final. Le label Agriculture biologique (AB) et le logo AVS pouvaient alors venir orner, non sans une certaine fierté, la vitrine du restaurant.
Al-Kanz : Aujourd’hui, French Touch « a percé », comme disent les jeunes. Votre maîtrise des réseaux sociaux n’y est pas pour rien. Selon vous, comment un entrepreneur doit-il investir ces outils numériques ?
Ali Zouina : Percé, sans fausse modestie, je ne pense pas. Je dirais plutôt qu’on a marqué le paysage de la restauration halal en Île-de-France, et au-delà, cette dernière décennie. Monter un business sans communication est aujourd’hui inconcevable. Ce n’était pas le cas lorsque j’ai lancé French Touch. Ça a été un atout indéniable et ça l’est aujourd’hui, plus que jamais. Les réseaux sociaux sont au cœur de notre société. Le nombre de followers reflète, à tort ou à raison, la qualité d’un établissement. Nous vivons une ère où la loi du plus suivi et souvent la meilleure…
Al-Kanz : Vous êtes présent surtout sur Instagram et Facebook, moins sur Twitter. Pourquoi ce choix ?
Ali Zouina : Les deux trois premières années, j’étais autant actif sur Twitter que sur les autres plateformes. Je faisais même des tweets live en plein service, je publiais des photos, ce qui m’a permis de faire de belles collaborations. Puis, j’ai trouvé que l’atmosphère sur ce réseau devenait de plus en plus grave, moins amusante. Sur Twitter, les gens viennent principalement chercher de l’information et nourrir des polémiques. Le monde vu à travers le prisme de Twitter est anxiogène.
Sur Facebook et instagram, les gens cherchent justement à s’évader de cette atmosphère, butiner de publications en publications. Ces abeilles-là sont plus propices à se perdre dans un (bon) resto.
Al-Kanz : Parlons de French Touch Pastry. Après avoir testé des desserts pâtissiers dans votre restaurant de Courbevoie (Hauts-de-Seine), vous avez lancé votre propre marque de pâtisserie. Comment ?
Ali Zouina : Tellement de choses à dire sur cette aventure pâtissière insolite… que je vais résumer en trois points :
1. Croire en soi
2. Croire en Lui
3 = 1+2
Al-Kanz : Pour l’heure, on ne peut commander vos créations pâtissières qu’en ligne. Une boutique French Touch Pastry en dur quelque part en région parisienne est-elle à l’étude ? Ou bien continuerez-vous à privilégier le canal de vente actuel ?
Ali Zouina : Si je vous dis que je me suis embarqué dans French Touch Pastry à la manière de quelqu’un qui accompagne un ami à la boulangerie pour acheter du pain… Ça vous donne une idée du niveau de stratégie et des plans d’avenir. J’ai opté pour la vente en ligne, car c’était la configuration la plus rapide à mettre en place mais surtout celle qui me permet de garder ma liberté de produire quand l’inspiration et le temps sont là. Je n’ai pas de jour ni d’horaires d’ouverture. Je n’aime pas la monotonie, je me vois mal produire chaque matin la même gamme de gâteaux, comme dans une pâtisserie traditionnelle. La boutique est attendue. C’est la configuration la plus adaptée au mode de consommation classique des clients. Ce n’est pas impossible qu’elle voit le jour, mais alors avec un choix de gâteaux restreint que je renouvellerai fréquemment. Je souhaite garder le côté éphémère de mes créations.
Al-Kanz : Last but not least, la question que posent tant de vos abonnés sur les réseaux sociaux : quand est-ce que des restaurants French Touch ouvriront en province ?
Ali Zouina : La période de fermeture imposée par la crise sanitaire que nous continuons de vivre m’a permis de prendre du recul à titre personnel et professionnel et de me recentrer sur l’essentiel. Je ne suis pas un businessman. Dupliquer des restaurants est un métier. J’aime faire plaisir. J’aime partager des émotions à travers mon travail. Le restaurant devrait rouvrir avec un nouveau visage, plus fidèle à mon état d’esprit. Cette nouvelle configuration pourrait être plus propice à un éventuel développement de l’enseigne, à condition de trouver les personnes compétentes et animées par ce projet.