Mercredi 2 décembre, Gérald Darmanin annonce avoir dissout le Collectif contre l’islamophobie en France. Un mois après celle de l’ONG humanitaire Barakacity, au pays prétendu des Lumières et des Droits de l’homme, l’autoritarisme a une nouvelle fois primé.
Eliminer les organisations indépendantes musulmanes
Capitalisant sur la sidération post-attentats de l’opinion publique, le ministre de l’Intérieur ne s’est même pas donné la peine de sauver les apparences : les accusations portées contre ces deux associations sont fallacieuses et grossières. Les justifications confuses, parfois carrément fausses.
Responsable par capillarité, Barakacity est en réalité dissoute pour punir son président. Tant pis pour la cinquantaine d’emplois détruits, tant pis pour les quelque deux millions de bénéficiaires dans le monde laissés sur le carreau. En très grande précarité, ils sont en grande majorité musulmans…
Le CCIF, quant à lui, se voit reprocher de faire le travail de toute association antiraciste, en l’espèce dénoncer le racisme là où il est, fût-il structurel. Sa dissolution consacre le délit d’opinion d’exception : la critique du gouvernement par des musulmans se voit de fait lourdement sanctionnée. Décision politique liberticide comme on n’en connaissait jusque-là que sous les dictatures, où l’on élimine l’opposition d’un coup de crayon.
Diversion populiste malgré l’urgence sécuritaire
En exigeant de son gouvernement qu’il mène une telle politique à la droite de l’extrême droite, Emmanuel Macron mise sur un effet cathartique tout aussi artificiel qu’irresponsable. L’élimination pure et simple d’une part d’une ONG humanitaire, sans considération pour les populations brutalement privées de soutien, d’autre part d’une organisation de défense des droits humains œuvrant contre l’islamophobie ne protège pas notre pays contre les terroristes, bien à l’abri de ses mesures liberticides. Pire encore, le président de la République permet sciemment que l’on détourne l’attention, les moyens humains et matériels nécessaires à la véritable lutte contre le terrorisme.
Cette dérive autoritaire de illiberal Macron, comme l’écrit sévèrement le Financial Times, n’a pas échappé aux observateurs étrangers à travers le monde. Réaction officielle de la France ? Ces derniers ne comprennent ni la laïcité à la française, ni le contexte français. Le problème ne viendrait donc pas de cette politique répressive visant une minorité religieuse, mais des journalistes du New York Times, de The Independant et autres Washington Post.
Dans un article publié en anglais et en français, Marwan Muhammad, auteur et statisticien, livre une analyse sur la fuite avant du président Macron, aux antipodes des promesses du candidat à la présidentielle, et l’instrumentalisation des principes républicains à des fins d’exclusion. Extraits.
« La laïcité a évolué, passant d’un cadre libéral permettant la liberté de religion ou de croyance à une « néo-laïcité », instrument de diabolisation et d’exclusion de toute visibilité religieuse
Et après chaque attentat terroriste, le même processus : accusation, stigmatisation, répression, haine. On nous prive du droit au deuil et on nous refuse l’espérance du changement.En tant que partisan des libertés fondamentales, j’observe la façon dont une partie de la France instrumentalise ses idéaux et valeurs pour en faire un moyen d’exclusion, tout en se leurrant elle-même (et parfois d’autres) en se persuadant qu’elle est l’éternel porte-étendard des droits de l’homme, alors que tant de personnes souffrent toujours du racisme, de la discrimination et des atteintes aux droits humains, comme le répète chaque année la Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH).
Et lorsque des organisations internationales, des journalistes, des universitaires et des défenseurs des droits de l’homme et observateurs à travers le monde constatent la même chose et expriment leurs inquiétudes à propos de ce qui se passe en France, leurs remarques sont rejetées en raison de leur supposées méconnaissance et ignorance de la « complexité » et de la « spécificité » de la situation française, laquelle réclame « plus de pédagogie » et de « respect pour la souveraineté du modèle français », comme s’il existait une exception culturelle susceptible de justifier les aspects structurels du racisme.
Pour lire l’article dans son intégralité, cliquez sur le lien suivant : Marwan Muhammad – La France instrumentalise ses « valeurs républicaines » pour en faire un moyen d’exclusion.