Longtemps, les mosquées de France ont adopté, pour les horaires de prière, une méthode de calcul basée sur l’angle 12°, qui compromet le jeûne et pose problème pour l’accomplissement de la dernière prière de la journée (‘isha). Elles se fondaient alors sur un calendrier diffusé, très largement à travers l’Hexagone, par l’Union des organisations islamiques de France (aujourd’hui Musulmans de France).
Subh trop tard, ‘isha trop tôt
Cette méthode de calcul fut élaborée pour mettre fin aux difficultés des musulmans d’Europe du Nord : en été, tout particulièrement, ils sont en effet contraints d’accomplir très tardivement l’heure de la dernière prière quotidienne (‘isha) et bien trop tôt l’heure de la première prière (subh) (appelé aussi « fajr« ). L’intention était très certainement bonne.
L’idée, de prime abord intéressante, se heurte en pratique à un double écueil, particulièrement problématique :
- Le matin, lorsque l’on jeûne, la limite à partir de laquelle on s’abstient de boire et de manger correspond à l’heure de la première prière quotidienne (subh), avant l’aube. Or, la méthode de calcul selon l’angle 12° fixe cette prière après l’aube, soit au-delà de la limite autorisée. Concrètement, un fidèle qui mange ou boit jusqu’à l’heure indiquée par cette méthode aura compromis son jeûne, car il aura cessé de manger ou de boire trop tard. Son jeûne ne sera pas valide.
- Accomplir la prière avant l’heure a pour conséquence de l’invalider. Or, avec l’angle 12°, on obtient des heures de prière, pour l’isha, bien trop tôt. En été, il suffit de lever les yeux pour le constater : le ciel est encore parcouru par ces traînées lumineuses rouges caractéristiques. Il est très facile de voir que la nuit n’est pas totalement tombée.
Vérifier que l’angle 12° est problématique n’est pas difficile, pour peu que l’on maîtrise quelques notions.
Prise de conscience dans les mosquées
On constate depuis un peu moins de dix ans que les lignes bougent. Après que des voix se sont élevées contre cette aberration, des responsables de mosquées et des imams se sont tour à tour sérieusement penchés sur la question.
C’est ainsi que plusieurs mosquées en France ont décidé de renoncer à l’angle 12 ° pour adopter un angle plus conforme aux exigences propres aux horaires de prière. A Vigneux-sur-Seine (Essonne), par exemple, on prie selon l’angle 15 ° depuis 2015, en se fondant sur un calendrier élaboré à la mosquée.
Lire – Horaires des prière : la mosquée de Vigneux élabore son calendrier
A la mosquée de Montreynaud, à Saint-Etienne (Loire), il a été « décidé d’abandonner l’angle de 12° et d’opter pour le 15° pour préserver le jeûne ET la prière de icha des fidèles », en 2016. Mûrement réfléchi, ce choix résulte d’un an de vérification matin et soir. « Pendant une année entière, nous avons comparé ce que notre calendrier donnait comme horaire et ce que nos yeux pouvaient constater. Pendant un an nous avons relevé les horaires de fajr et de icha et observé le ciel. Le résultat a été sans appel, il y avait un décalage entre les horaires du calendrier et les signes qui annoncent l’heure de la prière », lit-on sur la page Facebook de la mosquée.
En 2019, après consultation et discussion avec des scientifiques et des astrophysiciens, ainsi qu’une vérification sur les hauteurs du Lyonnais, une dizaine d’imams décidèrent d’abandonner l’angle 12° pour retenir deux autres angles : 13,5° pour la prière du subh et 14,5° pour la prière de ‘icha. Depuis, le conseil théologique du Rhône, qui regroupe 35 mosquées du département du Rhône (69), propose son propre calendrier.
Lire – Calendrier ramadan et horaires de prière uniques pour 35 mosquées du Rhône
A Toulouse, les mosquées regroupées dans la coordination musulmane de l’agglomération toulousaine – elles sont au nombre de neuf – ont adopté dès les années 80 l’angle 15 degrés. L’une d’entre elles, la mosquée du Mirail explique, sur son site Web, son choix en ces termes.
En pratique, dans les pays situés en « zone normale », c’est 15° qui correspond à l’observation ; cette dernière méthode est appelée « North America » parce qu’utilisée par les musulmans du nord de l’Amérique.
Selon une thèse soutenue en Belgique sur les méthodes de détermination des horaires, les observations oculaires dans les pays musulmans, du Pakistan à l’Egypte, correspondent aux horaires déterminés par cette dernière méthode.
C’est donc cette dernière que nous avons choisie, priant Dieu que cela corresponde au bon choix et donc à ce qui rencontre Sa Satisfaction. Nous avons rajouté aux heures de prières du Magrib (coucher du soleil) cinq minutes afin de tenir compte de la disparition totale du disque solaire, sachant que les heures calculées correspondent à celles où le disque touche l’horizon.
Le rejet de la méthode de calcul selon l’angle 12°, on le voit, n’a rien de partisan. Il découle systématiquement d’une prise de conscience, puis de longues vérifications.
Il est grand temps que l’ensemble des mosquées de France procèdent à leur tour à ces vérifications, plutôt que de continuer à suivre aveuglément des horaires de prière en contradiction avec ce que l’islam dit.
salam aleikum,
comment se passe le jeune pour les pays du nord de l’europe, sur quel horaire se basent-ils?
Car si on suit strictement ce que vous décrivez, j’imagine que leur jeune doit être beaucoup plus long que le notre du moins en été…