Magou et Hawa Kebe ne sont pas simplement soeurs. Elles sont aussi associées et fondatrices de Maha, une boutique en ligne spécialisée dans les arts de la table minimalistes, durables et design. Interview.
Al-Kanz : Hawa et Magou sont des sœurs. Mais encore ?
Hawa Kebe : Je suis franco-malienne et passionnée par la découverte d’autres cultures, les voyages et toujours en quête de nouveaux projets à réaliser. J’ai étudié la communication en France et à l’étranger. Anciennement chargée de communication interne/externe, j’ai notamment travaillé dans la grande distribution, dans la formation et au sein d’organisations publiques. Fonceuse et peut-être grande rêveuse, je suis maintenant à la découverte de l’entrepreneuriat et l’heureuse cofondatrice de Maha depuis fin 2021.
Magou Kebe : Je suis la soeur de Hawwa. J’ai 36 ans. Je suis maman de trois enfants, infirmière en centre médico-psychologique et l’autre super heureuse cofondatrice de Maha. La liberté financière, le minimalisme, la découverte et la relation avec l’autre sont des domaines que j’aime particulièrement. J’aspire à vivre selon mes propres choix et mes valeurs et à consacrer plus de temps à ma famille.
Al-Kanz : Malgré vos parcours bien différents, vous voilà toutes les deux entrepreneures. Qu’est-ce qui vous a donné et vous donne encore envie de mener cette aventure ensemble ?
Magou Kebe : Je souhaitais fonder une entreprise familiale. Ce qui nous a donné envie, c’est le fait d’avoir la même vision d’épanouissement personnel et professionnel. On avait toutes les deux ce besoin d’entreprendre. Alors, on s’est dit pourquoi ne pas le faire à deux. Le fait d’avoir un projet familial en commun nous rapproche. Ce qui est bien, c’est d’avoir eu dès le début cette relation de confiance qu’on n’a pas eu besoin de chercher ou de développer.
Hawa Kebe : Et ce qui nous donne encore envie, c’est que dans notre famille, les liens sont très forts et on a toujours été éduqué dans le soutien et dans le respect de chacun. La communication est facile, et même si on ne s’entend pas sur certains sujets, on peut tout se dire (sans aucun filtre !) parce que dans tous les cas, ça restera toujours ma sœur et comme on dit chez nous : « ton pied, mon pied » !
Al-Kanz : Magou, vous êtes à la fois salariée, maman et chef d’entreprise. Comment conciliez-vous ces différentes casquettes et quel est le rôle de chacune dans Maha?
Magou Kebe : Il faut un temps pour tout, ce qui demande de la régularité et de la discipline. Côté organisation, j’ai d’abord privilégié ma vie familiale et personnelle en réduisant mon temps de travail salarial (80 %) et en adoptant des horaires de bureau. Après mes obligations familiales, je me consacre à l’entreprise. Bien sûr, cela est fatigant par moment, mais pour tenir, je me rappelle toujours du pourquoi je fais cela. Ça peut m’arriver d’aller un peu dans tous les sens, mais je l’accepte et c’est ok. Avant tout, je fais les causes et le résultat appartient à Allah. Heureusement, Hawa n’est jamais très loin pour me rappeler les deadlines. Concernant les rôles de chacune, ils ne sont pas figés dans le temps : actuellement, je m’occupe essentiellement de la partie relations et développement commercial avec nos partenaires et artisans, ainsi que de l’administratif. On gère à deux la partie « recherche et inspiration ». Hawa s’occupe de la logistique, la relation clients, le site e-commerce, la communication… En bref, tout le reste !
Al-Kanz : « Original, minimaliste, naturel, durable ». C’est ainsi que vous présentez Maha. On pourrait ajouter « mais cher ». Est-il vraiment impossible de tenir cette ligne tout en pratiquant des prix bas ?
Hawa Kebe : Je pense que c’est très subjectif parce que ça dépend du mode de vie de chacun ainsi que de notre état d’esprit concernant les investissements que nous sommes prêts à réaliser ou non.
On développe essentiellement des articles de moyen à haut de gamme en petites séries, on l’assume et on en est très fières. Nos clients, notre communauté méritent l’excellence, alors oui ! cela a un certain prix. Parce que derrière cette promesse, il y a une histoire, de la création, des matériaux bien définis, un travail précieux qui est, pour la plupart de nos objets, manuel et long. Il y a aussi énormément de recherche, de tests et tout cela à petite échelle avec peu de moyens.
Magou Kebe : Notre but, c’est offrir des articles qu’on n’aurait pas besoin de racheter continuellement. On est sur des objets beaux, des coups de cœur, que tu vas utiliser longtemps et que t’auras envie de montrer et de raconter parce que ça te fait vraiment plaisir. Nous n’avons pas créé cette entreprise pour amener nos clients à surconsommer.
Et alors là oui, on ne peut pas avoir des bas prix. Nos tarifs sont fixés au prix les plus juste. Un artisan, c’est simple, il est payé pour son travail, et son travail doit lui permettre de vivre, qu’importe le pays d’où il vient et c’est ça la normalité. Les prix reflètent exactement la valeur de nos objets.
Al-Kanz : Toujours à propos de vos prix, vous avez choisi de dévoiler ce que vous rapporte, par exemple, une tasse Igo. Pourquoi cette transparence ?
Hawa Kebe : Il y a tellement d’opacité dans le monde du commerce. On ne comprend pas ce tabou autour de l’argent. La transparence, c’est l’une de nos valeurs fortes. En tant que clientes, c’est ce qu’on souhaiterait retrouver chez une entreprise. Et c’est assez naturel pour nous, alors on raconte nos galères de jeunes entrepreneures dans notre newsletter et on répond directement aux commentaires suspicieux au sujet de nos prix en expliquant concrètement où va réellement l’argent d’un client quand il achète l’une de nos tasses, par exemple.
Al-Kanz : Vos exigences ne doivent guère faciliter le sourcing de vos produits. Comment choisissez-vous et surtout trouverez-vous les articles en vente dans votre boutique ?
Magou Kebe : On s’inspire des cultures qui nous entourent, de nos voyages, de nos sorties, de nos lectures et de notre propre sensibilité. On interroge aussi notre communauté, les personnes que l’on rencontre. Quand découvre un objet ou que l’on a une idée de création, on approfondit nos recherches en discutant avec les artisans ou les entreprises. On veut que ce soit valorisant pour eux aussi. On veut comprendre les méthodes, aller à leur rencontre quand c’est possible, explorer leur histoire, toucher les matériaux. En revanche, si on n’a pas le feeling et/ou des informations concrètes, on laisse tomber. Il y a également la grosse partie certification à respecter, car il y a une réglementation stricte concernant les matériaux en contact avec les aliments.
Tous les objets présents sur notre site sont utilisés au quotidien par nous-mêmes. Nous sommes nos premières clientes et les premières testeuses. S’il y a encore si peu d’articles sur notre site, c’est parce qu’on prend notre temps, mais on essaye de s’améliorer !
Al-Kanz : Vous semblez vouloir raconter une histoire, créer un univers et une communauté. D’abord, est-ce que ça prend ? Ensuite, que conseillerez-vous à celles et ceux qui voudraient aussi créer leur storytelling pour mieux vendre ?
Magou Kebe : Aujourd’hui, notre communauté est petite, mais bienveillante. Nos abonnés, c’est notre famille Maha. À travers les messages de soutien, les avis que l’on reçoit, on comprend qu’un client chez nous achète notamment parce qu’il a compris et adhère à notre démarche. Alors, oui, on a encore du chemin, mais on a vraiment trouvé notre client idéal.
Hawa Kebe : Il faut que la démarche soit réelle et sincère. Raconter son histoire. D’autant plus que cela demande de l’investissement et il ne faut pas s’attendre à avoir des résultats incroyables dès le début. L’important, c’est de partir d’un pourquoi. Quand on sait pourquoi on le fait, pourquoi on est là, pourquoi on a décidé d’offrir tel produit ou tel service, quelle est notre vision et qu’on l’explique, là, c’est percutant. Et surtout, c’est ce qui va nous pousser à continuer pour atteindre cette vision.
Al-Kanz : 2026. Maha a trouvé sa clientèle, croissance désormais à deux chiffres tous les ans. A quoi ressemblerait cette entreprise à succès ?
Magou Kebe : In sha’a-Llah ! Elle garderait ces mêmes valeurs et cette même exigence à travers les objets. D’ailleurs de nouvelles gammes d’articles du quotidien auront vu le jour. La famille Maha se sera agrandie, des freelances auront fait leur entrée, un partenariat avec un ESAT [Établissement et service d’aide par le travail ; structure qui permet aux personnes handicapées d’exercer un travail, NDLR] sera créé pour déléguer la partie logistique. Elle existera aussi alors dans le monde du physique via une sélection de points de vente où seront distribués nos articles.
Hawa Kebe : Et les sœurs Maha auront quitté la France pour être à fond dans leur zone de génie : chercher et créer des objets pour Maha, découvrir des coopératives de femmes et d’hommes, des artisans, des travailleurs. Partir à la recherche des belles histoires. In sha’a-Llah.
Al-Kanz : Pour finir à qui conseillerez-vous d’une part, déconseillerez-vous d’autre part, de lancer son entreprise en famille ?
Magou Kebe : Je le conseille seulement aux personnes qui ont les mêmes motivations et la même vision à court et long terme. Cette envie d’entreprendre en famille, elle devrait venir naturellement, ça doit être volontairement commun. Je pense que selon les personnalités de chacun, on le sent si c’est faisable ou pas. À ceux qui communiquent facilement entre eux, qui se connaissent et se complètent, professionnellement et personnellement, et qui aiment confronter leurs idées dans le respect, foncez !
Hawa Kebe : Je le déconseille à ceux qui ont peur de briser des liens, ceux qui sont toujours dans le conflit. Si les fondations ne sont pas solides, n’y allez pas. Faites un projet ensemble si vous le souhaitez, mais moins risqué !
Boutique en ligne : www.maha-store.fr
Instagram : @maha_little_tables
Super témoignage, merci 🔥