Depuis l’automne dernier, la mosquée de Clamart (92) offre une fois par semaine, le lundi soir après la prière du maghrib, des repas gratuits aux étudiants, aux personnes en difficulté, aux jeûneurs, etc. Suspendue depuis la mi-mai, cette initiative reprendra à la rentrée prochaine, en septembre. Nous avons voulu en savoir plus avec Abdel Karim, fidèle et participant actif, qui nous répond.
Al-Kanz : Traditionnellement, c’est plutôt pendant le ramadan, à l’occasion de l’iftar, que les mosquées offrent des repas. Qu’est-ce qui vous a motivé à mettre en place cette initiative, lancée le 10 octobre dernier ?
Abdel Karim, pour la mosquée de Clamart : Cela nous tenait à cœur de préparer des repas afin de rendre service aux jeûneurs, mais aux étudiants et aux personnes nécessiteuses. Nous connaissons tous la récompense immense qui est d’offrir le repas à un jeûneur. L’un des objectifs était également de réunir les fidèles autour d’un repas, car c’est un moment propice pour discuter et apprendre à se connaître pour certains. Cela permet de cultiver la mahabbah (bienveillance) entre les participants de manière conviviale et fraternelle.
Nous avons fait un essai les lundis afin de voir si nous étions en mesure de pouvoir assurer ce service de manière pérenne.
Al-Kanz : Quel bilan tirez-vous de cette première édition ?
Mosquée de Clamart : Le bilan est plutôt positif. Le réfectoire, qui peut accueillir une centaine de personnes environ, est souvent bondé. Le public est assez hétéroclite : beaucoup de fidèles de la mosquée, des jeûneurs, mais pas seulement. Il y a aussi des étudiants et des nécessiteux. En revanche, côté femmes, on compte peu de monde.
Al-Kanz : On estime à 20 % le nombre d’étudiants vivant sous le seuil de pauvreté. Or sur Twitter, outre les personnes en situation de précarité et les jeûneurs, vous invitiez les étudiants à venir profiter de ces repas. Ont-ils répondu à l’invitation ?
Mosquée de Clamart : La question des étudiants en situation de précarité est un sujet d’actualité et le rejet le 9 février dernier à l’Assemblée nationale des repas à 1 euro pour les étudiants en est une preuve concrète.
Nous avons de nombreuses résidences étudiantes autour de Clamart et sans surprise nous avons plusieurs dizaines d’étudiants chaque lundi qui viennent profiter des repas.
Al-Kanz : Vous officiez pour l’heure uniquement le lundi. Qu’est-ce qui vous amènerait à proposer des repas d’autres jours de la semaine, voire tous les jours de la semaine ?
Mosquée de Clamart : La demande de repas pour d’autres jours en semaine est présente et nous le constatons sur le terrain. Le principal souci est que cela exige une organisation importante en termes de moyens financiers et de bénévoles.
Afin de continuer la gratuité des repas, nous oeuvrons à nouer des partenariats avec des restaurateurs, mais cela n’est pas facile. Notre prochain objectif, si Dieu nous le permet, serait d’offrir des repas les jeudis.
Al-Kanz : Une telle initiative demande investissement et rigueur. Il faut en outre pouvoir compter sur, le plus souvent, des bénévoles particulièrement fiables. Avez-vous trouvé la recette miracle ?
Mosquée de Clamart : La gestion des bénévoles est le point névralgique de cette opération. Nous avons un noyau dur de bénévoles qui œuvrent depuis plusieurs années, qu’Allah les récompense, et participent de nombreuses actions. Mais il faut savoir les ménager, ne pas trop les solliciter pour ne pas les épuiser.
Il n’y a pas vraiment de recette miracle. Dans l’associatif, soit vous arrivez à fédérer des bénévoles actifs, soit vous devez salarier des gens ; mais dans ce cas, il sera difficile de continuer sur la gratuité des repas.
Al-Kanz : Comment financez-vous ces repas ? Y a-t-il des entreprises qui vous fournissent gratuitement des aliments ?
Mosquée de Clamart : La mosquée finance cette opération via les dons réalisés dans ce but, mais il arrive également que des fidèles nous offrent des denrées alimentaires. Le pain quant à lui est offert par une boulangerie partenaire. En ce qui concerne les cuisiniers, ils sont tous bénévoles.
A la suite d’une publication sur les réseaux sociaux, des repas proposés à la mosquée, un restaurateur parisien nous a proposé quelques repas que nous distribuons de manière ponctuelle.
Al-Kanz : Nous avons la faiblesse de penser qu’une telle initiative devrait voir le jour partout en France, dans toutes les mosquées de France, ce bien évidemment aussi en dehors de ramadan. Pensez-vous que ce soit possible ?
Mosquée de Clamart : La mosquée doit être un lieu de vie. Pas simplement un endroit pour prier mais également pour échanger, apprendre, se rencontrer…
Toutes les mosquées en France n’ont pas le même niveau de préoccupation. En effet, de nombreuses associations musulmanes louent encore des locaux précaires et leur priorité ne sera pas de proposer des repas mais plutôt d’acquérir un terrain ou un lieu de culte pour les fidèles ; ceci est compréhensible, c’est une question de priorité.
Cependant et en toute modestie, il serait appréciable de voir cette initiative se propager dans les mosquées construites ou déjà établies qui sont en capacité de pouvoir préparer des repas.
Pour l’anecdote, un fidèle de notre mosquée de longue date connu de tous s’est converti il y a près de 25 ans maintenant en étant invité à manger un couscous dans une mosquée alors qu’il n’était pas musulman à l’époque
Al-Kanz : Enfin, celles et ceux parmi nos lectrices et nos lecteurs qui le souhaiteraient peuvent-ils contribuer à cette oeuvre noble ?
Mosquée de Clamart : Bien entendu. La contribution peut se réaliser de plusieurs manières :
– en nous donnant des denrées alimentaires (pâtes, riz, fruits, légumes, sacrifice type mouton…)
– en nous aidant bénévolement derrière les fourneaux ou en préparant le réfectoire
– en réalisant un don sécurisé en ligne (en précisant que le don est destiné aux repas) sur notre site internet : Je donne au pôle social de la mosquée de Clamart.
S’agissant du pôle social, le financement annuel de nos actions s’élève à 90 000 euros. Avec cet argent, nous offrons donc les repas du lundi, dont nous venons de parler, mais pas seulement. Nous distribuions aux plus démunis des colis alimentaires, ainsi que des colis d’hygiène de première nécessité. Nous organisons des maraudes sociales. Et plus traditionnellement, nous offrons aussi l’iftar tous les soirs de ramadan.
MachaAllah, très bonne initiative !