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Croissant lunaire de l’Aïd : « Nous ne rejetons pas les calculs astronomiques »

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Ramadan 2025 – 1446. Comme le 28 février, veille de ramadan, des membres de B à BA procéderont à l’observation du ciel, conformément à la tradition suivie chaque 29e jour du mois lunaire. Abdelmalik, l’un des membres du collectif, a accepté de nous en dire plus sur l’initiative et ses ambitions, lui qui aura samedi soir la tête dans les étoiles.

Al-Kanz : Le 29 chaabane dernier, vous étiez sur la dune du Pilat pour observer le ciel. Pourriez-vous nous expliquer votre démarche ?
Abdelmalik :
Nous sommes un groupe d’étudiants en sciences religieuses, depuis longtemps passionnés par l’astronomie. Notre objectif principal est de sensibiliser les musulmans de France à la question de l’observation du hilal pour déterminer l’entrée des mois lunaires du calendrier islamique.

Nous avons été initiés à cette question par notre professeur, cheikh Mohammad Ayoub, qu’Allah le préserve, qui lui-même s’était intéressé au sujet dans les années 80 et 90 suite à des témoignages incongrus de vision du hilal, notamment avant la conjonction lunaire.

De mars 2014 à septembre 2022, nous avons suivi avec intérêt les travaux de l’Observatoire lunaire des musulmans de France (OLMF), qui observait le ciel tous les mois de l’année et dont certains observateurs ont été formés par Thierry Legault, un astrophotographe de renommée mondiale. Nous nous inscrivons donc dans la continuité de ces efforts antérieurs.

Al-Kanz : Vous opposez-vous aux calculs astronomiques ?
Abdelmalik :
En nous fondant sur l’opinion des quatre écoles juridiques (Abu Hanifa, Malik, Shafi’i et Ahmad), nous nous opposons à ce que le décret d’un nouveau mois lunaire puisse être basé sur le seul calcul astronomique.

Comme vous le soulignez, il n’existe pas « un » calcul astronomique mais plusieurs, parfois contradictoires. En l’absence d’observation concrète, ces calculs restent incertains, car les critères de visibilité et les méthodes de calcul varient et font l’objet de débats entre les astronomes eux-mêmes.

Cela étant dit, nous ne nous opposons pas au calcul astronomique en lui-même. Au contraire, nous considérons qu’il doit faire partie intégrante de la décision des instances dites « représentatives » et permettre de corroborer ou d’invalider un témoignage d’observation.

La probité d’un témoin n’a pas à être remise en cause : il peut très bien être persuadé de ce qu’il a vu. Mais, tout comme il est impossible de voir le disque solaire avant l’heure de son lever, il n’est possible de voir le hilal que sous certaines conditions établies et documentées par des siècles d’observation astronomique.

Le report des données de ces observations permet d’établir des conditions sine qua non pour pouvoir observer le hilal à l’œil nu et avec une aide optique. Certains de ces critères font consensus dans la communauté scientifique. Le savoir des astronomes, combiné à celui des juristes musulmans, est tout à fait compatible et accessible à tous — il n’est en rien réservé à une élite.

Al-Kanz : Vous n’avez pas choisi le lieu d’observation au hasard. Quels sont les critères importants pour être dans des conditions d’observation optimales ? (altitude, pollution lumineuse, horizon dégagé, etc.)
Abdelmalik :
Le lieu d’observation du 28 février 2025 (29 chaabane 1446) n’a en effet pas été choisi au hasard. Nous nous sommes installés sur la grande dune du Pilat, à l’entrée du bassin d’Arcachon, dans le sud-ouest de la France.

Son altitude d’environ 100 mètres reste modeste et peu propice à l’observation d’un très fin croissant lunaire. Mais cela reste la plus haute dune d’Europe. Ce choix s’explique surtout par la météo, facétieuse en ce dernier jour de février.

B à BA, observation du croissant lunaire - dune du Pilat
Dune du Pilat / © B à BA

Pour observer dans des conditions optimales, il faut choisir un lieu parfaitement dégagé vers l’ouest — en direction du coucher du Soleil et donc du coucher de la Lune —, idéalement à plusieurs centaines de mètres d’altitude, avec le moins de pollution atmosphérique et lumineuse possible, et un bon indice de pureté de l’air. La latitude et la longitude comptent également parmi les critères favorables.

En France métropolitaine, plus on se trouve vers le sud-ouest, mieux c’est. Plusieurs de ces critères étaient réunis sur la dune du Pilat le 28 février dernier, mais c’est avant tout la météo qui a motivé ce choix de destination pour y installer notre matériel.

Un choix qui s’est révélé judicieux : l’observation a été attestée à 19h24 à l’aide d’un télescope de type Nexstar MAK Celestron 127 par les trois membres de l’équipe.
Malheureusement, aucun cliché n’a pu être pris ce soir-là : la Lune s’est couchée tout juste quelques minutes plus tard, et nous avons manqué de temps pour changer de configuration et capturer l’instant.

Al-Kanz : Que recommandez-vous aux débutants qui souhaitent eux aussi observer le ciel samedi prochain, 29 ramadan et nuit du doute ?
Abdelmalik :
Je leur recommande d’abord de chercher un lieu où ils ont envie de se retrouver pour observer un beau coucher de soleil et accomplir la prière du maghrib !

Un point en hauteur, parfaitement dégagé vers l’ouest. Les sites équipés d’une table d’orientation s’y prêtent souvent bien. Une simple recherche d’images sur Internet p permet de vérifier si le lieu est propice à l’observation.

Il y a autant d’enseignements à tirer de l’observation que de la non-observation. Je leur recommande donc de profiter de l’instant, surtout s’il s’agit de citadins qui n’ont pas l’habitude de s’offrir ce genre de moment.

Tenter d’apercevoir le hilal, c’est aussi prendre conscience de l’immensité et de la beauté du ciel, ainsi que de la Toute-Puissance du Créateur. Allah attire notre attention, à travers de nombreux versets, sur le Soleil, la Lune, le ciel et les étoiles, notamment dans le sens des versets de la sourate Al Mulk : « Regarde encore et encore [le ciel] : ton regard ne s’en trouvera que plus incapable [d’y déceler le moindre défaut] et que plus harassé [d’y avoir cherché une faille]. » « Nous avons certes orné le ciel de ce monde de luminaires dont Nous avons fait des projectiles contre les démons, et Nous leur avons préparé le supplice du feu. » (Coran, sourate 67, versets 4 et 5)

Ainsi qu’à travers les versets de sourate Al An’am : « Fendeur [de l’obscurité] à l’aube, Il a fait de la nuit un repos, et du soleil et de la lune une mesure [du temps]. Tel est l’ordre parfaitement établi du Tout-Puissant, de l’Omniscient. » « C’est Lui qui a créé pour vous les étoiles [dans le firmament] afin que vous puissiez vous orienter dans des ténèbres [d’obscurité] sur terre comme en mer. Nous avons certes énuméré les preuves à l’intention de ceux qui savent. » (Coran, sourate 6, versets 96 et 97)

Les exégètes indiquent que ces versets nous enseignent que les astres ont été créés pour l’ornement et la protection du ciel, mais aussi pour la mesure du temps et l’orientation dans l’espace. Et Allah sait mieux.

Al-Kanz : Trouveront-ils les conseils et l’accompagnement nécessaire dans le groupe B à BA (Hilal) ?
Abdelmalik :
Ce groupe a en effet pour objectif d’accompagner tous ceux qui souhaitent revivifier cette tradition prophétique. En quelques semaines seulement, il rassemble déjà 4 200 membres, un chiffre en constante progression. Mais à vrai dire, nous nous sommes fixés une obligation d’action plus qu’une obligation de résultats.

B à BA, observation du croissant lunaire
Chaîne Telegram du collectif B à BA

Al-Kanz : Quel est l’objectif de cette chaîne Telegram ? Y a-t-il des prérequis (connaissances en jurisprudence islamique, connaissances en astronomie, équipements, etc.) pour en devenir membre ?
Abdelmalik :
Comme son nom l’indique, aucun prérequis n’est exigé pour rejoindre ce groupe. Vous pouvez venir découvrir le « B à BA » du hilal même en étant totalement débutant, tant en astronomie qu’en jurisprudence islamique.

Du contenu accessible à tous y est régulièrement publié. Un groupe d’administrateurs, aux compétences variées et éprouvées, veille à produire des publications de qualité, avec rigueur, scrupule et pédagogie.

Notre objectif est simple : partager le savoir et mobiliser les compétences de tous ceux qui souhaitent contribuer à ce projet collectif et participatif. La bonne volonté et les expertises ne manquent pas dans notre communauté.

Soyons clairs : nous n’avons ni la prétention ni la volonté de nous substituer aux instances dites « représentatives » des musulmans de France, qui annoncent à ce jour le début et la fin du mois de ramadan, ainsi que la date de l’Aid Al-Adha, qui correspond au 10 dhu al-hijja. Nous n’en avons ni l’autorité, ni l’ambition, ni aucun agenda politique.

À ce titre, tant que ces instances dites « représentatives » fondent leur décision sur une observation – à l’œil nu ou assistée d’une aide optique – réalisée après le coucher du soleil du 29e jour de chaque mois lunaire, nous respecterons et inviterons à respecter leur décision. Nous appelons donc à suivre ces instances, sous réserve que leur décision ne soit pas basée sur le seul calcul astronomique.

Notre position vise à préserver la concorde et l’unité des musulmans de France autour de ces rites majeurs.

Néanmoins, suivre ces annonces et appeler à les suivre – donc jeûner et fêter aux mêmes dates que l’ensemble de la communauté musulmane de France – ne nous empêchera pas d’exprimer notre avis. Nous le ferons avec joie si ces décisions s’avèrent crédibles et conformes à l’observation, ou avec tristesse si ces annonces sont peu fiables et non corroborées par l’expérience et les travaux largement reconnus de centaines d’astronomes à travers le monde. Je pense notamment à Mohammad Shawkat Odeh.

Al-Kanz : Après ramadan, rangerez-vous vos télescopes ou faut-il désormais compter sur vous ? En d’autres termes, est-ce que votre initiative s’inscrit-elle dans la durée ?
Abdelmalik :
Telle est, en tout cas, notre ferme intention. Mais nous avons conscience que cette initiative ne pourra résolument s’inscrire dans la durée qu’en démontrant que cette sunna est à la fois accessible à tous, agréable, conviviale et facilement reproductible.

Notre souhait est que ce projet dépasse nos simples personnes et qu’il essaime un peu partout en France, comme c’est le cas dans d’autres pays d’Europe et notamment au Royaume-Uni. Cette initiative est animée par le plaisir de lever les yeux vers le ciel, d’observer le soleil, la Lune et les étoiles, sans contrainte aucune.

Nous voulons partager ce plaisir avec le plus grand nombre, et ne pas être la génération qui aura renoncé et tourné le dos à cette tradition prophétique.

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12 Commentaires

  1. Salam Alykoum, si la démarche se veut réellement scientifique et pas seulement une sortie pour regarder le ciel, il faut dire qu’il ne sert à rien de chercher le croissant lunaire dans le ciel ce samedi 29 mars en France. Car il est unanimement admis qu’il sera impossible de l’observer même à Bordeaux.
    Alors qu’elle est le but réel de cette observation du ciel ?

    • wa ‘alaykum as-salam wa rahmatuLlah wa barakatuh

      « Si la démarche se veut réellement scientifique », écrivez-vous. Il ne vous a pas échappé qu’il s’agit d’un rite religieux et pas d’une sortie à des fins stricto sensu astronomiques, n’est-ce pas ?

      • Je ne savais pas que regarder le ciel et chercher le croissant lunaire, tout en sachant qu’il ne sera pas visible. Faisait partie d’un rite religieux de notre noble religion. Rite que très peu pratique apparemment.
        Je pensais naïvement que c’était juste un moyen pour déterminer le début et fin de mois du ramadan usité par les musulmans de l’époque qui n’avait pas les calculs pour les aider, à savoir si la lune sera visible ou non.

        • Cette méthode de détermination concerne tout les début et fin de mois, pas seulement celui du Ramadan.
          De plus, cette méthode est celle recommandé par le Prophète, paix et salue sur lui.
          Concernant, « le » calcul est bien y’a plusieurs méthodes et des résultats contradictoires.
          Donc on suit quel astronome, quel calcul ? ou suit une méthode fiable, unique et surtout faisant partie de la sunna ?
          Vous l’aurez compris, même si un calcul indique que la lune ne sera pas visible, rien n’empêche la confirmation par l’observation.
          D’ailleurs, c’est une démarche que tous scientifiques sérieux utilisent, à savoir, déterminer par le calcul, invalider par l’observation.

          • « De plus, cette méthode est celle recommandée par le Prophète, paix et salue sur lui. » :
            À l’époque, le prophète SWS n’avait pas d’autre choix que la vision à l’œil nu. les télescopes n’existaient pas, et les calcule et la théorie de la relativité qui régit le mouvement des astres n’étaient pas connus. Il a repris la méthode déjà utilisée par les arabes de cette époque avant la révélation, ce n’est pas une méthode propre à l’islam ou révélé.
            À l’aune de nos connaissances scientifiques plus fiable que la vision à l’œil ou au télescope, le Prophète aurait certainement utilisé le calcul comme méthode, et le calcul de la conjonction lunaire (pas du calcul de visibilité où il n’y a pas consensus) soleil est unanime par tous les astronomes et l’éclipse solaire de ce matin montre sa pertinence.
            « même si un calcul indique que la lune ne sera pas visible, rien n’empêche la confirmation par l’observation » :
            Oui, s’il y avait ne serait-se qu’1% de doute, mais au vu de nos connaissances sur les conditions de visibilité de la lune, on sait parfaitement à 100% qu’elle ne sera pas visible en France. C’est pour cela que je trouve la démarche cocasse et très peu scientifique. C’est comme si un astronome se levait à 3h du matin pour confirmer la prédiction que le soleil est bien toujours sous l’horizon et pas encore lever…
            Et pour appuyer le fait que les mouvements de la lune sont prévisibles et déterminés à l’avance, quoi de mieux que la parole d’Allah :

            Sourate 55 versets 5 : « Le soleil et la lune [évoluent] selon un calcul [minutieux] »

            Sourate 10 verset 5: « C’est Lui (Dieu) qui a fait du Soleil une clarté et de la Lune une lumière ; il en a déterminé les phases afin que vous connaissiez le nombre des années et le calcul du temps »

            Sourate 21 verset 33: « Et c’est Lui (Dieu) qui a créé la nuit et le jour, le soleil et la lune , chacun voguant dans une orbite. »

  2. salam aleykoum, la religion est bine faite : Quand la lune n’est pas visible on jeune un jour de plus, c’est simple

  3. Peu de science éloigne de Dieu, beaucoup l’en raproche… Certains musulmans on apris le b à ba de l astronomie et cherche (de manière involontaire, j’ose croire) à créer une Fitna. Comme si c’était nécessaire en ce moment. Et l année prochaine on aurras droit à la même chose, jusqu’à ce qu ils auront une bonne compréhension de notre dine, qui valorise la concorde et la sagesse.
    Ils parlent de chose qu ils ne maîtrise pas à un public non-avertie qu il peuvent bergner. Lourde responsabilité qu’il prennent en mettant de l’huile sur le feu de la discorde.

  4. Salam Aleikoum. Que voulez-vous dire par « il n’existe pas « un » calcul astronomique mais plusieurs, parfois contradictoires » ?

    • Il parle du calcule de visibilité de la lune, il existe 3 calcule (critères ) de visibilité. Mais de calcul de la naissance de la nouvel lune (conjonction lunaire ) il n’y en à qu’un et tout le monde s’accorde dessus.

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