Contrairement à ce qui était écrit et dit ça et là dans la presse, le rejet par le Conseil d’Etat ne sonne pas comme une défaite pour les étudiants de la cité U d’Antony, mais bien comme une victoire. Nous avons pu joindre Hosni Maati, avocat du collectif qui a porté l’affaire devant les tribunaux, qui n’a pas manqué de faire une mise au point, que nous vous présentons en exclusivité.
Il convient préalablement de rappeler un point fondamental : en matière de droit administratif les décisions du Conseil d’Etat, même lorsqu’il prononce un rejet, éclairent le droit et donnent le sens à suivre pour son application. De fait, une lecture superficielle ou qui ne tient pas compte de cette particularité ne peut que mener à des conclusions erronées. A la manière de ce qui a pu être écrit concernant le jugement de l’affaire qui oppose les étudiants de la cité universitaire d’Antony et le Crous des Hauts-de-Seine.
Droit de prier individuellement et collectivement
Si le Conseil d’Etat a rejeté la demande du collectif d’étudiants, c’est notamment parce que des négociations sont en cours entre les deux parties et qu’en l’espèce la liberté de culte n’est pas menacée. Ce qu’il faut rappeler, et que les médias ne semblent pas avoir sinon compris tout au moins relevé, c’est que le Conseil d’Etat consacre, pour les étudiants, le droit de prier individuellement et collectivement. Jusqu’à présent le Crous avait systématiquement donné une fin de non-recevoir à cette revendication légitime. Plus personne ne pouvait prétendre exercer son droit de culte dans une résidence universitaire. Rappelons à cet égard les propos de Françoise Bir, directrice du Crous, interrogée par Le Parisien peu de temps après l’évacuation de la salle par les CRS le 2 janvier 2008 : « Il n’y a pas à avoir de lieu de culte dans la cité. C’est interdit dans un établissement public. » Le Conseil d’Etat, en rappelant le droit, lui a donné tort.
Ce qui occupe le Conseil d’Etat, c’est le droit
La décision prise hier par la haute autorité juridique doit être comprise en deux temps :
1- Le Conseil d’Etat a rappelé le droit fondamental « de chaque étudiant à pratiquer la religion de son choix, de manière individuelle ou collective et dans le respect de la liberté d’autrui ». Ce rappel du droit est capital, dans cette affaire, car jusque-là au Crous les tenants de thèses contraires n’entendaient absolument pas reconnaître cette liberté.
2- Cela établi, le Conseil d’Etat a constaté que le Crous et l’association des étudiants sont en cours de négociation pour déterminer d’un commun accord l’obtention d’une nouvelle salle. Dès lors, le Crous ne porte plus pas atteinte à la liberté fondamentale de croire et de pratiquer un culte. Mieux, le Conseil d’Etat précise au Crous les modalités de mise en application de sa décision.
Rappelons pour finir que la nouveauté dans cette décision ne réside pas dans la permission de prier individuellement ou collectivement dans un établissement public : nombre d’hôpitaux, en Ile-de-France par exemple, disposent de salle de prières depuis bien longtemps. La nouveauté réside dans le fait que cette permission soit étendue à des établissements publics recevant des étudiants.
La décision du Conseil d’Etat est donc, malgré le rejet, bel et bien une victoire pour le collectif des étudiants de la cité universitaire d’Antony.