Qui peut raisonnablement ignorer un marché mondial qui pesait en 2014 230 milliards de dollars et estimé à l’horizon 2020 à 327 milliards de dollars ?
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Réponse : la France. Mais pas toute la France.
En France, le business de petites entreprises
Si Laurence Rossignol, ministre des Droits des femmes sauf de celles qui portent un voile, a comparé les musulmanes en hijab aux « nègres » (sic) qui auraient approuvée leur condition d’esclaves, fustigeant en ces termes la mode dite « islamique » (ou « pudique »), on compte en France plusieurs dizaines d’entreprises sur le marché du prêt-à-porter musulman.
Certaines d’entre elles tirent bon an mal an leur épingle du jeu, mais la majorité de ces entreprises sont des TPE (très petites entreprises) ou des sociétés sous le statut d’autoentrepreneur. La taille de ces entreprises est due principalement à un facteur : les entrepreneurs musulmans ont des difficultés à faire grandir leur business, car pour le plus grand nombre ils n’ont pas accès au crédit usuraire, strictement interdit en islam. L’absence – provisoire – de solutions conformes aux exigences islamiques en matière d’économie ralentit ainsi leur développement.
L’arrivée, inéluctable en France, des mastodontes tels Dolce&Gabanna, Uniqlo, Mango ou encore H&M devrait très largement rebattre les cartes. Seules les marques qui auront anticipé la venue de ces féroces concurrents pourront ne pas pâtir de leur entrée sur le marché.
Lire – Islamic Fashion : les musulmans vont-ils encore se laisser déposséder ?
Gap France ose la mode islamique
Outre les marques mentionnées plus haut, il faut désormais compter aussi avec Gap (14,2 milliards d’euros dans le monde en 2016). Voici le message publié le 5 mai 2017 par le compte Gap international sur Twitter (comme sur Instagram). Si la photo d’une femme portant un hijab sur un tel compte détone, le texte n’en est pas moins intéressant.
I am curious, passionate. A hard worker and a dreamer. I am kind-hearted — and all about my friends and family. I am Hybutalla. #IAmGap pic.twitter.com/NZzn1RDK4b
— Gap (@Gap) 5 mai 2017
Hybutalla (prénom du modèle) précise qu’elle est « curieuse », « passionnée », « travailleuse acharnée », « rêveuse » et qu’elle a un « grand coeur ». Par ces mots, Gap sort de la vision réductrice qui consiste à enfermer les femmes musulmanes dans le voile qu’elles portent. Cette attention, intelligente, devrait séduire.
Sur Instagram, le compte de Gap France a aussi publié, contre toute attente, cette photo. Avec le commentaire suivant : « Je suis Hybutalla. Je suis philosophe amateur et je suis toujours la première à rire. » Là encore, Gap choisit de ne pas réduire les musulmanes à leur voile.
Que la filiale française s’aventure à publier une telle photographie, qui plus est avec un commentaire aussi positif, est une petite révolution. Mais ce n’est pas tout, comme chacun le constatera en regardant la photo ci-dessous.
Une audace qui s’avèrera payante
Cette photo a été prise à Paris, avenue des Champs-Elysées, où se trouve un magasin Gap. Il s’agit de la même photo que celle publiée sur les réseaux sociaux, cette fois grand format, placée dans la vitrine de l’enseigne. Le lieu n’a rien d’anecdotique. La « plus belle avenue du monde » attire chaque année 100 millions de badauds (dont 30 millions de touristes étrangers) ; autant dire que le choix de cette photo est, dans le contexte français, audacieux.
L’audace de Gap ne devrait évidemment pas manquer de faire grincer des dents, voire de créer une polémique qui pourrait paradoxalement profiter à l’enseigne, à l’instar de l’enseigne Quick en 2010 lors de la conversation au halal de quelques-uns de ces restaurants.
A l’époque, le patron d’alors de Quick, Jacques-Edouard Charret, choisit avec intelligence de ne pas réagir aux très nombreuses réactions, dont la plus virulente – et la plus ridicule – fut celle de Marine Le Pen, celle qui ne sera pas présidente en 2017. Résultat : la couverture médiatique, nationale et internationale, a été gigantesque. Le spécialiste du fast-food a ainsi pu bénéficier d’une publicité à plusieurs dizaines de millions d’euros sans débourser un centime.
C’est pourquoi la caravane Gap France devrait laisser les chiens aboyer : ils lui permettront de faire savoir au plus grand nombre, sans aucun frais de publicité, qu’elle commercialise désormais dans ses magasins en France des hijabs, sans redouter un véritable bad buzz : après quelques mois, les critiques contre les Quick halal, se sont tues. Qui aujourd’hui les conteste ? Même s’il demeure encore des Français qui ne les approuvent pas, ces restaurants halal ne font plus polémique, mais font toujours grandement recette. Gap France fera face assurément à des appels au boycott, principalement sur Internet, puis les semaines passeront et tout rentrera dans l’ordre pour l’enseigne.