Après la success story, le scandale international. Depuis les révélations du site Motherboard Muslim Pro, Bitsmedia, société propriétaire de Muslim Pro, application aux 98 millions d’utilisateurs, est dans l’oeil du cyclone.
La plateforme du groupe Vice News, spécialisée dans les sciences et les technologies, a en effet révélé lundi 16 novembre que l’armée américaine se procure les données utilisateurs d’une centaine de millions de musulmans à travers le monde.
Muslim Pro vendrait plus précisément leurs données de localisation au Pentagone par l’intermédiaire d’un courtier privé, la société X-Mode.
Selon Motherboard, l’armée américaine achète l’accès à ces données « pour assister les opérations des forces spéciales à l’étranger » et « lutter contre le terrorisme ». Derrière ces termes, la réalité : ces dernières années, des milliers de civils innocents principalement en Afghanistan, au Yémen et au Pakistan ont perdu la vie dans des frappes de drones américaines.
Citons entre autres victimes Abdurrahman al-Awlaki, assassiné à l’âge de 16 ans, alors qu’il dînait dans un restaurant en compagnie de son cousin. Son tort ? Etre le fils de son père. Les Etats-Unis finirent par reconnaître l’assassinat ciblé de cet adolescent pourtant de nationalité américaine.
Lire – Al-Awlaki : les Etats-Unis reconnaissent le meurtre de citoyens américains
En 2013, Nabil Rehman fit plus de 11 000 kilomètres depuis le Pakistan pour raconter au Congrès américain comment les drones tueurs d’Obama avaient là aussi assassiné sa grand-mère.
9-year-old Nabila traveled from Pakistan to DC to give her testimony abt the drone strike that killed her grandmother pic.twitter.com/yjpSqRT10M
— Third Rail (@AJAMThirdRail) October 29, 2013
Lire – Nabila, 9 ans, raconte à Washington comment les Etats-Unis ont tué sa grand-mère
Les Etats-Unis – ce fut particulièrement vrai sous l’administration Obama — font peu de cas du nombre de civils tués dans ces assassinats ciblés. Les victimes sont musulmanes….
Rappelons à toutes fins utiles quelques chiffres, cités voilà quelques années par le quotidien britannique The Guardian : pour 41 cibles présumées, par les drones tueurs américains, 1 147 personnes furent assassinées. Des civils, femmes et enfants compris, tués parce que le gendarme du monde a décidé que leur vie ne comptait guère.
Lire – 41 men targeted but 1,147 people killed: US drone strikes – the facts on the ground
Ces assassinats qui tuent massivement des civils pour quelques cibles données peuvent donc l’être, nous apprend l’enquête de Motherboard, grâce à des données telles que celles vendues par Muslim Pro.
Mardi, en fin d’après-midi, Bitsmedia choisissait de réagir dans un communiqué de presse. Sans convaincre. Récusant vendre les données de ses utilisateurs à l’armée américaine, l’application reconnaît en revanche, non sans circonvolutions, les céder à « ses partenaires », dont X-Mode.
En clair, faut-il comprendre, ce n’est pas Muslim Pro qui vend directement les données de localisation à la branche de l’armée américaine qui tue des musulmans, mais X-Mode. Ou plus justement qui vendait, car Muslim Pro a « décidé de mettre fin à [ses] relations avec tous les partenaires de données, y compris X-Mode, avec effet immédiat ». Voilà qui sonne comme un aveu…
Au lendemain de la publication de l’article de Motherboard, le bad buzz est mondial. Sur le Playstore de Google, on recense ce soir quelque deux cents avis négatifs et outrés d’utilisateurs du monde entier. A cela s’ajoutent les commentaires incendiaires sur les réseaux sociaux.
Si la médiatisation de cette enquête devait se poursuivre, la Success Story Muslim Pro se deviendra cauchemar.
Lire – Success Story : Muslim Pro, l’appli aux 45 millions de téléchargements, rachetée
Rachetée en 2017 à un entrepreneur français, Erwan Macé, par CMIA Capital Partners et Affin Hwang Asset Management, deux sociétés asiatiques respectivement basées à Singapour et en Malaisie, Bitsmedia n’est pas la seule société incriminée.
L’application Muslim Mingle, plus de cent mille téléchargements, monétise de la même manière et pour les mêmes fins les données de localisation de ses utilisateurs musulmans.