Un petit bagage d’amour, derrière ce joli nom, une réalité sordide. Lorsque Ratiba Zahdali, de la marque Tiny-Menu nous a invité à nous intéresser à cette association, nous ignorions tout du combat quotidien mené par cette association contre l’extrême précarité de femmes enceintes, de mamans et de leurs enfants.
Contactée par Al-Kanz, sa présidente, sage-femme de profession, Samra Abaidia-Seddik, a accepté de nous accorder une interview afin de présenter ses actions et nous raconter pourquoi et comment elle vient « en aide aux femmes enceintes et bébés dans la grande précarité, pour un accouchement et une venue au monde dans la dignité ».
Al-Kanz : Sage-femme, vous avez constaté une réalité que le grand public ne soupçonne guère. Pourriez-vous nous en parler ?
Samra Abaidia-Seddik : J’ai été en effet sage-femme dans un hôpital mère-enfant qui prend en charge les femmes enceintes et les mamans de bébés de moins de un an, présentant des troubles médicaux et psychosociaux. Dans cet hôpital, il y avait beaucoup de précarité, des mères qui n’avaient absolument rien pour l’accueil de leur bébé. C’était en 2016, année durant laquelle un nombre important de réfugiés vivaient sous des tentes à Porte de La Chapelle, à Paris, dont des femmes enceintes dans une extrême précarité. Je suivais assidûment les groupes de discussions de réfugiés sur les réseaux sociaux. Il m’arrivait d’aller sur place constater par moi-même ce que vivaient ces mamans et d’y recenser les besoins.
Al-Kanz : Ce constat est à l’origine de la création de votre association. Quel a été le déclic qui vous a définitivement convaincu de la lancer ?
Samra Abaidia-Seddik : Moi-même enceinte de mon deuxième enfant, j’ai été particulièrement touchée par la situation précise d’une jeune femme, qui attendait des jumelles. Juste avant son admission dans notre hôpital, elle dormait dans la rue. J’ai dû la transférer à la maternité où elle allait accoucher. Alors que je l’invitais à prendre ses affaires pour l’accouchement, la fameuse valise-maternité, elle me tendit un simple sac plastique, avec une brosse et un dentifrice. Elle n’avait rien pour accueillir ses bébés, tandis que moi je commençais à préparer les affaires pour le mien, cette valise que l’on prépare avec tant d’amour et de plaisir. Je réalisais combien cette femme n’avait pas cette chance.
Al-Kanz : Comment intervenez-vous pour adoucir le quotidien difficile de ces mamans, et de leur nouveau-né, en grande précarité ?
Samra Abaidia-Seddik : J’ai l’immense chance de pouvoir compter sur des bénévoles en or, très impliqués dans cette cause, dévoués, qui font ça avec amour et sans rien attendre en retour ; des bénévoles qui passent des heures et des heures dans la crypte de l’église Saint-Sulpice à préparer de vrais petits bagages d’amour contenant tout le nécessaire pour ces femmes enceintes en grande précarité et leur bébé : layette, vêtements chauds, produits d’hygiène, couches, porte-bébés — à la sortie de la maternité, ces mamans n’ont bien souvent rien pour porter leur bébé et se retrouvent à le porter d’un bras et de l’autre leurs bagages, sans oublier le fameux doudou !
Je pense également aux bénévoles qui agissent jour et nuit derrière leurs écrans pour répondre aux nombreux mails et aux messages que nous recevons quotidiennement. Je pense aux assistantes sociales qui gèrent les demandes de bagages, aux personnes qui se proposent pour du bénévolat, à celles qui font des dons ou qui créent des antennes locales de notre association Un Petit Bagage d’amour. Pensée à Constance qui tout juste après son accouchement se replongeait déjà dans les mails.
Al-Kanz : Quelles sont les urgences que vous devez pallier au plus vite ?
Samra Abaidia-Seddik : en moyenne, nous distribuons de 150 à 200 bagages par mois pour des mamans envoyées par les travailleurs sociaux des maternités, des centres d’accueil de réfugiés, du 115, des centres de PMI (protection maternelle et infantile) et d’autres associations encore. Les placards se vident donc régulièrement. Nous avons surtout besoin actuellement de layettes 0-3 mois (bodies, pyjamas, chaussettes, bonnets, gigoteuses), de poussettes adaptées aux nouveau-nés et autres de porte-bébés. Bien sûr, nous ne prenons que les habits et les articles en très bon état.
Al-Kanz : Quid du logement pour ces mamans et leurs enfants ?
Samra Abaidia-Seddik : Actuellement, nous constatons une recrudescence de familles à la rue, sans aucune solution d’hébergement, dont certaines avec des enfants en bas âge, voire des nouveau-nés. Je vous laisse imaginer l’état psychologique et la détresse de ces enfants qui dorment dehors et qui vont à l’école le lendemain comme si de rien n’était, souvent le ventre vide.
Je repense à la première fois, il y a quelques années, où nous avons été confrontées à cette réalité. Une assistante sociale, complètement démunie, nous avait demandé si nous pouvions fournir des landaus à deux familles à la rue afin que les nouveau-nés, de quelques semaines seulement, ne dorment pas à même le sol sur le trottoir. Quel choc !
Récemment, un centre d’accueil de jour nous a transmis une liste de famille sans hébergement afin que nous les aidions à trouver des solutions. La « liste de la honte » : des femmes sans domicile, certaines avec des troubles psychiatriques, d’autres en invalidité, l’une d’elles atteinte d’un cancer… toutes mères. Parmi leurs enfants, du nourrisson au jeune majeur, certains sont gravement malades, d’autres en détresse psychologique. L’un d’eux est autiste. Comment est ce possible ? Un enfant autiste n’a-t-il pas besoin de repères fixes pour trouver ne serait-ce qu’un semblant d’équilibre ? Que vont devenir ces enfants qui sont baladés d’hôtel en hôtel, d’abribus en abribus ?
Pour parer à l’urgence, nous avons lancé une cagnotte dédiée pour payer des nuitées à ces familles. Nous comptons aller plus loin afin que les choses bougent réellement cette fois. Je vais sans doute jeter un pavé dans la mare, mais je trouve complètement scandaleux que l’Etat ne se mobilise pas pour ces familles qui n’ont peut-être pas la bonne couleur de peau ni la bonne origine. Vous ne verrez pas une seule Ukrainienne à la rue avec ses enfants, ce qui est une excellente chose. Mais nous exigeons le même traitement pour tous les réfugiés. Nous sommes scandalisés par les témoignages de réfugiés d’origine d’Afrique ou d’Orient, qui ont dû quitter leur hôtel pour laisser la place à des réfugiés ukrainiens. Ce n’est clairement pas normal.
Al-Kanz : Comment les internautes qui nous lisent peuvent-ils vous aider à mener au mieux les missions portées par Un petit bagage d’amour ? D’abord à court terme.
Samra Abaidia-Seddik : préparer jusqu’à 200 bagages par mois exige bien entendu le recours à de nombreux petits bras, du tri des dons à la distribution. Gérer la logistique, répondre aux mails, donner les rendez-vous aux mamans pour qu’elles puissent venir chercher leurs bagages, etc., sont autant de tâches gérées aujourd’hui par Camille qui fait un travail colossal et Constance arrivée l’été dernier. Si vous souhaitez nous rejoindre notre équipe, contactez-nous ! Une heure de temps en temps, une journée par semaine, par mois, par an. Toute aide est la bienvenue.
Vous pouvez nous aider également en déposant vos dons à l’église Saint-Sulpice (2 rue Palatine, dans le 6e arrondissement de Paris), lors de nos permanences fixes, les mardis et jeudis de 9h à 14h. Pour les autres jours de la semaine, nous vous accueillons en fonction des disponibilités des bénévoles.
Si vous ne vivez ni à Paris ni en Ile-de-France, vous pouvez nous aider à acheter des couches et des produits d’hygiène, à payer les nuits d’hôtel ou encore à couvrir les frais de fonctionnement de l’association, en envoyant vos dons Paypal à cette adresse : unpetitbagagedamour@gmail.com.
En résumé, vous pouvez contribuer en donnant de votre temps, de votre argent ou encore des articles de puériculture, des vêtements premier âge, de l’alimentation pour bébés, des kits d’hygiène.
Al-Kanz : et à long terme ?
Samra Abaidia-Seddik : Les besoins ne se limitent malheureusement pas qu’à Paris. La précarité des femmes enceintes est présente dans tout l’Hexagone. Nous avons ouvert plus d’une dizaine d’antennes en France (Françoise coordonne tout cela). Si vous souhaitez rejoindre les antennes existantes ou en cours de création (Le Mans, Rennes, Lille, Vence, Bordeaux, Perpignan, Reims, Toulouse, Marseille, Lyon, Clermont-Ferrand, Melun…) ou monter une nouvelle antenne, là encore n’hésitez pas.
A long terme, nous espérons juste que nous n’existerons plus. Cela signifiera que l’on n’aura plus besoin de nous. Car s’il y a bien une chose qui est insupportable, c’est la précarité qui touche les personnes les plus vulnérables.
Visitez le site officiel d’Un Petit Bagage d’amour : www.unpetitbagagedamour.org
J’habite à Melun 6 mois par an je peux tricoter des petits gilets pour Bb . Où peut-on vous trouver?