Iftar : 12 000 repas offerts à la mosquée de Sarcelles durant ramadan sur le modèle du waqf

Ramadan 2024 – 1445. En 2022, à la mosquée Foi et Unicité de Sarcelles (Val-d’Oise), le ramadan a été particulièrement généreux : plus de 9 000 iftars (repas de rupture du jeûne) ont été servis tout au long du mois. Revu à la hausse et atteint en 2023, l’objectif ambitieux de 12 000 repas demeure identique cette année. Avec un défi supplémentaire : optimiser le projet.

• la préparation des repas : en investissant dans des maintiens au chaud, qui comme leur nom l’indiquent permettent de pouvoir servir les plats plusieurs heures après leur préparation comme s’ils sortaient tout juste des fourneaux. Ainsi, les mamans bénévoles, présentes dès 10 heures du matin, ne se sont pas contraintes de cuisiner jusque l’iftar.
• le service : la mosquée dispose désormais de bacs gastronomiques, auxquels elle a recours pour segmenter les tâches lors de la préparation. Au moment de servir les repas, chaque bénévole s’attelle à une seule et unique tâche. Ou comment appliquer le taylorisme à l’iftar.
• l’après-iftar : là encore, des améliorations ont été apportées avec une meilleure organisation de l’espace dédié à la vaisselle.

Elaboré sur le modèle du waqf, le projet iftar de la mosquée Foi et Unicité gagnerait à être répliqué. C’est pourquoi nous vous proposons de nouveau cette interview publiée en 2023 que nous a accordée Bachir Marekar l’un des organisateurs de cette opération vertueuse.

Al-Kanz : Proposer l’iftar à la mosquée pendant ramadan, c’est désormais plutôt banal. A Sarcelles, vous êtes allés plus loin en professionnalisant l’organisation. Comment vous est venue une telle idée ?
Bachir M. : Nous nous sommes rendu compte que les iftars proposés par les mosquées, dont la nôtre, ne permettaient pas de répondre à un besoin grandissant. Parfois, certains fidèles pensaient venir manger convenablement un plat et se retrouvaient au mieux à manger des restes. On s’est dit qu’il fallait trouver le moyen de mettre en œuvre une organisation robuste permettant d’accueillir un maximum de personnes nécessiteuses ou non, tout cela dans la convivialité.

Al-Kanz : Mettre en place et mener un tel projet exige des compétences et une expérience certaine, la bonne volonté ne suffisant pas. Avez-vous eu des difficultés à recruter ?
Bachir M. : Ce type de projet nécessite en effet certaines compétences indispensables (cuisine, logistique, communication, etc.). Mais, avant tout, cela demande un engagement, de la motivation et un sens certain du service. Le recrutement s’est fait principalement avec les fidèles parmi les riverains, lesquels constituent une bonne base. En outre, tous les jours du mois de ramadan, nous lançons un appel à nos bénévoles présélectionnés pour intégrer l’équipe du jour dans leurs pôles respectifs (service, plonge, tri et autres). Seule exception, le pôle des cuisiniers, pour qui le planning est clôturé avant le début du mois de ramadan.

Al-Kanz : Pourriez-vous nous décrire d’abord la stratégie retenue, puis le dispositif et les moyens déployés pour atteindre vos objectifs ?
Bachir M. : Avant de lancer l’opération, nous nous assurons de remplir deux critères, en l’occurrence disposer du matériel nécessaire et de la main d’œuvre suffisante pour assurer la préparation des plats quotidiens. Puis, nous nous tournons vers les donateurs afin de leur proposer de financer le projet soit en numéraire soit en denrées alimentaires.

Par ailleurs, les locaux de la mosquée ne permettant pas de recevoir l’ensemble des jeûneurs, nous avons fait aménager un chapiteau et avons sollicité la mairie pour une mise à disposition du mobilier urbain.

Al-Kanz : En 2022, vous prévoyiez de servir 6 000 repas (200 par jour) pour finalement en offrir 9 200. Cette année, l’objectif est de 300 repas quotidiens, soit 9 000 pour tout le mois de ramadan, pour in fine peut-être atteindre les 12 000. Comment une mosquée réussit à mener à bien un tel projet ?
Bachir M. : Pour le mener à bien, il faut avant tout une bonne préparation en amont, l’improvisation n’a pas sa place. Il faut s’assurer d’avoir des bénévoles mobilisés. C’est beaucoup de réunions de coordination avec les différentes parties prenantes. C’est aussi savoir gérer des approvisionnements des denrées alimentaires, maîtriser le planning des cuisiniers, ou encore promouvoir le projet auprès des enseignes alimentaires, etc.

Al-Kanz : Afin de prendre conscience de l’ampleur de cette opération, pourriez-vous nous en dire plus sur les différentes équipes mises en place, tout comme sur le nombre d’intervenants et leurs tâches spécifiques ?
Bachir M. : Les différentes équipes à l’œuvre sont les suivantes :
— l’équipe des cuisiniers chargés de la préparation des plats (environ 8 à 10 personnes par jour)
— l’équipe de la soupe qui vient la préparer quotidiennement (3 personnes par jour)
— l’équipe des serveurs au service de l’ensemble des jeûneurs (15 à 18 personnes par jour)
— l’équipe du tri en charge des restes alimentaires non consommés (6 personnes par jour)
— l’équipe de la plonge qui s’occupe on l’aura compris de nettoyer la vaisselle (6 personnes par jour)
— l’équipe de gestion du mobilier en charge de la mise en place, du nettoyage et du retrait des tables et chaises, là encore au quotidien (environ 8 personnes)

On compte au total 120 fidèles investis dans ce projet, 70 au quotidien. Plus de dix familles se relaient le long du mois pour la préparation des plats. Le plus jeune volontaire a dix ans, le plus âgé soixante-dix. Trois générations se sont unies pour que la mosquée de Sarcelles puisse offrir l’iftar tous les soirs.

Al-Kanz : On retiendra que la réussite de cette organisation tient à sa professionnalisation et à la rigueur observée, à l’engagement sans faille des bénévoles, mais aussi à la solidarité des fidèles et de 16 entreprises partenaires, tous motivés par un aspect du projet : il s’agit d’un waqf.
Bachir M. : Cette année, nous avons changé intégralement la cuisine de la mosquée, qui est aujourd’hui un bien en waqf. Cela signifie que l’ensemble du matériel professionnel d’une valeur de 45 000 euros, financé par l’argent des fidèles et les dons en nature de seize entreprises partenaires (éviers, frigos, etc.), est totalement dédié aux iftars offerts aux jeûneurs, aux personnes en situation de précarité, et éventuellement à des repas organisés par la mosquée à l’occasion d’événements spécifiques. Il s’agit d’un legs perpétuel, dont nul n’est propriétaire. Recourir au waqf permet d’encadrer plus encore l’usage de cette cuisine et de la pérenniser : il est par exemple interdit de revendre le moindre ustensile et autres appareils. Nous ne sommes pas contentés de proposer des repas, nous avons mis en place, selon des critères professionnels, une oeuvre pieuse permanente dont la finalité est elle-même pieuse et les bénéfices reversés à la communauté. J’ajoute que nous avons fait en sorte que la mosquée de Sarcelles n’ait rien à débourser, pas un centime.

Al-Kanz : Nous avons tenu à faire connaître cette initiative dans l’espoir que d’autres mosquées se l’approprient et fassent de même. A quelles conditions, selon vous, elle peut être répliquée ? Quels sont vos conseils ou encore vos mises en garde quant aux erreurs à ne pas commettre ?
Bachir M. : Il faut avant tout s’interroger sur les raisons qui amènent à s’investir dans une telle action, et s’impliquer avec sincérité. Pour répliquer un tel projet, il faut évidemment tenir compte de la fréquentation de la mosquée, pas nécessairement de la taille. Ce qui est important, c’est de réussir à mobiliser des bénévoles motivés et qui soient capables de faire preuve de patience.
Nous attirons l’attention sur l’approvisionnement des denrées, qui doit être géré pour le mois complet et non au fil de l’eau, au risque de se retrouver à court de denrées. Ce que nous conseillons aux mosquées souhaitant reproduire ce type de repas, c’est d’organiser un repas test quelques jours avant le mois du ramadan, comme nous le faisons, afin d’affiner l’organisation dans ses détails et de procéder aux ajustements éventuels.

Pour offrir un ou plusieurs iftars à un jeûneur, cliquez sur le lien suivant pour faire votre don : Offrez un iftar à un jeûneur pour seulement 7 euros.

La mosquée de Sarcelles fait des émules

Encouragés par la réussite de l’édition 2022, les responsables de deux autres mosquées ont choisi de répliquer le modèle mis en place par la mosquée de Sarcelles, qui les a accueillis pour les accompagner et leur permettre de lancer à leur tour dès l’année prochaine leur projet iftar le modèle du waqf.
Pour toute prise de contact, envoyez un mail à l’adresse suivante : amfu95200@gmail.com.