Subh, dhuhr, ‘asr, maghrib, isha, les cinq prières quotidiennes rythment la vie du musulman. Obligatoires, elles doivent être accomplies à des heures fixes, ou plus justement dans des intervalles déterminés, comme l’indique le verset coranique 103 de la sourate 4 : « […] la prière demeure pour les croyants une prescription à des temps déterminés. »
Pour faire simple, le subh est la prière de l’aube, le dhuhr du midi, le ‘asr de l’après-midi, le maghrib d’après le coucher du soleil et enfin le ‘icha de la nuit. Autant dire que conjuguer sa vie professionnelle, sociale ou scolaire avec ces impératifs religieux n’est guère aisé en France ; l’hystérisation de la société autour des questions d’islam n’arrangeant rien.
Pourtant, il faut bien prier à l’heure. A la maison ou la mosquée, rien de plus facile. Mais à l’extérieur tout se complique.
Prier dehors, quelle galère !
Rappelons avant d’aller plus un point d’autant plus important que les récentes polémiques provoquées par des agitateurs islamophobes d’extrême droite ont eu tendance à laisser penser le contraire : en France, prier dans un espace public est autorisé en France, sauf en cas de trouble à l’ordre public. Ce droit, les musulmans peuvent en jouir tout autant que quiconque.
Lire – On prie parfois dans l’espace public en France. Y compris les musulmans. Et alors ?
Malgré tout, si ailleurs dans le monde, en pays musulmans ou non, il peut être aisé de trouver un lieu de culte à proximité ou de prier dehors sans rien craindre, dans notre bel Hexagone l’entreprise peut s’avérer sinon risqué à tout le moins désagréable.
A cela s’ajoute un problème pratique. Prier dehors signifie le plus souvent déployer un support sur lequel se prosterner et poser le front : sa veste, un morceau de carton, une écharpe, etc. Système D qui peut très vite montrer ses limites. On peut évidemment toujours choisir de prendre avec soi son tapis de prière maison. Ou plutôt on pouvait, jusqu’à ce qu’un entrepreneur français, Jonathan Aoumar, commercialise il y a près d’une quinzaine d’années Salmane, un tapis de poche.
Lire – Priez partout avec Salmane, tapis de prière d’extérieur
A la maison, le tapis de prière traditionnel bien trop encombrant pour l’avoir sur soi. Petit, discret, se glissant facilement dans sa poche ou dans son sac à main, le tapis Salmane a grandement facilité le quotidien des musulmans soucieux de prier dans les temps, hors mosquée et foyer (dans les espaces publics, au boulot, etc.). Imperméable, il ne prend pas l’eau. Lesté – dans chacun de ses coins –, il ne s’envole pas au moindre coup de vent.
Aujourd’hui, c’est par centaines que l’on trouve des tapis inspirés de Salmane. Parmi eux, le nouveau venu, celui issu du partenariat entre Adidas, l’association Muslim Hikers et le détaillant sportif Wiggle.
Adidas et les randonneurs musulmans
C’est en début de semaine, sous la plume de la journaliste Zesha Saleem, que l’on apprenait qu’outre-Manche l’équipementier allemand a noué un partenariat avec Muslim Hikers, une association de randonneurs musulmans pour commercialiser un tapis de prière d’extérieur.
Fondée durement le confinement en 2020 par l’infatigable marathonien Haroon Mota, qui s’est illustré ces dernières années par des challenges caritatifs — en pleine pandémie de Covid-19, jeûnant entre 16 et 18 heures, il récolta 60 000 euros en courant 260 kilomètres tout au long de ramadan —, Muslim Hikers organise des randonnées pour permettre aux musulmans de s’adonner à des activités de plein air sans risquer d’être victimes d’exclusion et de racisme.
C’est donc à ces randonneurs, femmes et hommes, qu’Adidas s’adresse en proposant un tapis de prière d’extérieur, intégré à sa gamme spécialisée dans les activités de plein air (randonnées, alpinismes, running, VTT), Adidas Terrex.
Conçus pour être utilisés dans des conditions extérieures difficiles et imperméables, ces tapis peuvent être lestés par des pierres insérées dans les espaces prévus à cet effet. Plutôt banal.
L’originalité du partenariat entre Adidas et Muslim Hikers réside moins dans le tapis de prière que dans le soutien affiché aux musulmans et à leur « inclusivité dans les activités de plein air » : on notera les panneaux affichant la direction de La Mecque installés le long d’un itinéraire de randonnée dans la vallée du Cave Dale, dans le centre de l’Angleterre.
100 tapis ont d’ores et déjà été distribués aux membres de l’association Muslim Hikers. Le grand public devra attendre début avril pour une commercialisation par Wiggle au prix de… 20 livres sterling. Soit trois à quatre fois plus cher que le prix pratiqué dans le commerce. Autant dire que les ventes du tapis Adidas Terrex pourraient peut-être avoir quelques difficultés à décoller.
En France, il existe aussi une association de musulmans randonneurs, « Muslim Rando ». Imagine-t-on Adidas nouer avec elle un partenariat similaire d’avec celui de Muslim Hikers ? A priori, non.
Pour autant, l’équipementier allemand s’est montré particulièrement offensif ces dernières années, en multipliant les articles de sport pour femmes musulmanes ; non pas un mais plusieurs hijabs de sport et des hijabs de natation.
