Suite à nos révélations sur le rapprochement entre G La Dalle et le fonds d’investissement belge Kharis Capital, la polémique enfle. Contacté par Al-Kanz, Salim Rezzag, fondateur et dirigeant de cette enseigne de restauration rapide halal, a accepté de répondre à nos questions et aux nombreux commentaires qui se multiplient depuis une semaine sur les réseaux sociaux.
Al-Kanz : Sur Linkedin, nous avons écrit que G La Dalle est racheté par le fonds d’investissement Kharis Capital, propriétaire d’O’tacos et, en Belgique, de la masterfranchise de Burger King et de celle Quick. Pourriez-vous préciser la nature du deal ?
Salim Rezzag : Il ne s’agit pas d’un rachat au sens où je cède l’intégralité de l’entreprise et les pouvoirs, mais d’une association avec ce fonds d’investissement. Je conserve la même participation qu’au début de l’aventure, seuls les actionnaires passifs ont cédé leurs parts. Cette association a pour but de nous aider à nous développer à l’international, tout en conservant les valeurs et les principes qui font l’ADN de G La Dalle.
Al-Kanz : Vous ne quittez donc pas le navire. Quid désormais de votre pouvoir de décision, notamment sur la garantie du halal ? De nombreux internautes se sont émus de ce que Kharis Capital fasse peu de cas des exigences en la matière et choisisse comme tant d’autres de vendre du faux halal.
Salim Rezzag : Je tiens à rassurer tout le monde, je garde le pouvoir de décision au sein de l’entreprise et je continue de superviser directement nos choix en matière de fournisseurs et de respect des exigences halal. Nous continuerons à proposer uniquement de la viande halal, certifiée par des organismes comme Achahada. Sur ce point, rien ne changera. Nous sommes et resterons très stricts sur cette question essentielle pour notre clientèle.
Al-Kanz : On devine que le contrat qui lie aujourd’hui G La Dalle et Kharis Capital ne s’improvise pas. Depuis quand vos franchisés savent que vous vous dirigiez vers cette association ? Qu’est-ce qui change pour eux ?
Salim Rezzag : Les franchisés ont été informés en temps voulu des discussions avec Kharis Capital, car les négociations et l’élaboration d’une vision commune ont nécessité un certain temps, deux ans plus précisément. Cette association leur permettra de bénéficier de meilleurs coûts d’achats liés aux matières premières, ainsi que d’un meilleur accompagnement au sein du réseau. Kharis Capital est un très bon partenaire pour faire croître notre entreprise, étant donné son expertise dans le domaine de la restauration.
Al-Kanz : Pour revenir au halal, vous affirmez proposer des viandes certifiées par l’organisme Achahada. Pourquoi ne rassurez-vous pas plus encore votre clientèle, tout en montrant l’exemple, en passant à la certification des restaurants, qui implique en outre des contrôles inopinés réguliers ?
Salim Rezzag : Bien que l’offre de G La Dalle ne s’adresse pas exclusivement aux musulmans consommant halal, car notre clientèle est cosmopolite, nous avons effectivement engagé une réflexion avec nos franchisés sur la possibilité de certifier les restaurants. Cela permettrait de renforcer encore plus la confiance de notre clientèle, tout en montrant l’exemple en matière de transparence.
Al-Kanz : La rumeur selon laquelle l’un des fondateurs de Kharis Capital, Daniel Grossmann, finance Israël agite l’Internet musulman, ce que vous récusez. Que répondez-vous à celles et ceux, affectés par le génocide en cours en Palestine, qui considèrent inacceptable le choix de G La Dalle de s’associer à ce fonds d’investissement ?
Salim Rezzag : Il n’existe aucun lien entre Kharis Capital, Daniel Grossmann et le financement du drame effroyable qui se passe en Palestine. Contrairement aux spéculations que j’ai pu lire sur Internet, ce fonds d’investissement est composé de collaborateurs et d’investisseurs issus de diverses confessions, y compris des musulmans, qui n’auraient jamais accepté un tel engagement. Je tiens à exprimer ma solidarité envers la cause palestinienne et affirme que je n’aurais jamais envisagé de collaborer avec une organisation qui soutient ce qui se passe là-bas.
Al-Kanz : Vous vous doutez bien que votre réponse ne suffira pas à convaincre tout le monde. D’aucuns diront qu’ils ne vous croient pas. Pensez-vous néanmoins y parvenir ?
Salim Rezzag : J’espère y parvenir, avec car ma démarche est sincère, mais c’est avant tout et seulement l’agrément de Dieu que je cherche.
Voir des attaques qui instrumentalisent la religion m’a particulièrement déçu. Je ne suis pas persuadé qu’il est licite de s’en prendre à ses frères de cette manière. Les appels au boycott venant de la communauté font mal au cœur : ils menacent directement tant des entrepreneurs qui se sont battus pour en arriver là où ils sont aujourd’hui que leurs employés qui risquent aussi d’être touchés. Le plus grave, c’est que toutes ces accusations reposent sur de fausses informations.
Nous avons pris d’ailleurs contact avec la personne à l’origine de la polémique et lui avons demandé de fournir des preuves concrètes qui attestent que de Kharis Capital et Daniel Grossmann financent la politique israélienne.
Nous lui avons également demandé, en l’absence de telles preuves, de revenir sur ses propos et de rétablir la vérité sur le sujet. Nous avons pris soin de lui rappeler que nous sommes également fermement opposés à la manière dont il s’y est pris.
Enfin, je tiens à être clair : l’association avec ce fonds d’investissement est totalement licite. Nous avons veillé à ce que chaque étape soit conforme à l’éthique musulmane.
Al-Kanz : Sur Linkedin, nous avons évoqué le fait que vous avez lancé votre entreprise sans jamais enfreindre l’interdiction formelle en islam de recourir à l’intérêt (riba), ce qui a pu susciter parfois un certain scepticisme. Pourriez-vous nous dire en quelques mots comment on peut lancer un business sans l’aide des banques et atteindre un chiffre d’affaires de plusieurs dizaines millions d’euros ?
Salim Rezzag : Cela n’a pas été facile. Je me suis d’abord appuyé sur mon entourage, qui est en soi un réseau d’entrepreneurs partageant mes valeurs et mon éthique. De plus, nos franchisés ont cru au projet et ont investi leur argent personnel. G La Dalle a bâti un modèle économique viable, qui a permis à ces derniers de rapidement rentabiliser leur investissement et à l’enseigne de grandir sans recourir à l’aide des banques tout en restant fidèles à nos convictions religieuses.
L’arrivée du fonds d’investissement ne changera en rien notre position sur riba. Nous continuerons à gérer G La Dalle en respectant les principes qui ont toujours guidé notre entreprise. Nous n’aurons pas recours à l’intérêt pour financer notre croissance ou nos projets futurs.
Al-Kanz : Pour finir, au-delà de votre développement à l’international, que préparez-vous – très concrètement – pour vos clients ? Quelle est la suite pour G La Dalle ?
Salim Rezzag : Nous avons de nombreux projets à venir. Cette association va nous permettre de lancer de nouveaux produits, de diversifier notre offre et d’améliorer notre visibilité sur le marché.
Mais nous ne comptons pas nous arrêter là. Nous sommes déterminés à nous installer durablement et faire de G La Dalle une figure incontournable du secteur, aussi bien en France qu’à l’international.
Notre objectif est de continuer à développer l’entreprise tout en restant actionnaire. C’est essentiel que des autodidactes comme nous, avec des valeurs et des principes solides, prennent ces positions importantes et montrent qu’on peut réussir en restant fidèle à ses convictions. Nous continuerons à avancer avec l’aide de Dieu, tout en restant ancrés dans nos valeurs pour faire de G La Dalle une marque de référence, partout où nous serons présents.
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